vendredi 24 juin 2011

Prochaine flottille vers Gaza: parlons en maintenant !

Une autre flottille humanitaire est sur le point de prendre la mer en route pour Gaza. Malgré l’abstention turque, Free Gaza Movement a réitéré sa détermination.  Si l’annonce du gouvernement israélien ne change pas d’un iota de la position prise lors de l’été dernier, et utilise une propagande quelque peu vulgaire (les mots hatred flottilla semble vraiment hors de propos) ; la société israélienne est plus divisée sur la question. On en parle d’ailleurs davantage que dans l’hexagone: un article dans les principaux sites médiatiques israéliens sur le sujet recueille au bas mot une cinquantaine de commentaires et opinions, dont de nombreuses critiques à l’encontre du blocus économique, alors que l'unique article du Monde faisant état de la volonté israélienne d'intercepter la flotte n'a donné lieu qu'à trois pauvres remarques, béotiennes et antisémites. Alors certes, cela concerne Israël au premier chef, mais lors du drame de 2010, les Français se sont soudain passionnés pour l’affaire, en condamnant virulemment Israël. Un peu facile de s’intéresser à un sujet seulement après son dénouement sanglant. Ce post a donc pour principale but de lancer quelques pistes à une réflexion ex-ante quant à la légitimité et les objectifs des deux bords.

Dois-t-on considérer que les objectifs de l’expédition sont humanitaires ou politiques et médiatiques ? Ne nous y trompons pas : la flottille a pour but de dénoncer le blocus et d’attirer dessus le regard de la communauté internationale. Comme me l’a confié Gideon Levy (journaliste et pourfendeur de la politique israélienne à l’égard des palestiniens depuis de nombreux années), la portée humanitaire est symbolique. Pour autant, le but paraît légitime, pour ceux qui considère le blocus comme illégal et inacceptable. On s’explique alors pourquoi les activistes refusent de laisser contrôler leur cargaison par les IDF: ceci reviendrait à reconnaître un droit de regard, et donc de blocus, à Israël : précisément ce droit pris de force que les activistes cherchent à dénoncer. Une autre conséquence directe et - presque- paradoxale : les activistes  ont intérêt à se voir stopper par Israël, et si possible avec violence et affrontements, puisque c’est là le meilleur moyen de faire parler d’eux, et de rallier à leur cause gouvernements et citoyens du monde.

Pourquoi, peut-on se demander alors, Israël s’obstine à les arrêter ? Selon Gideon Levy, rien  ne le justifie. Israël n’a ni droit, ni intérêt à stopper une flottille, qui arrivée à Gaza, ne ferait plus parler d’elle. On peut cependant être sceptique devant un tel argument: une flottille passée serait une reconnaissance implicite par Israël de l’iniquité de son blocus et aurait peut-être pour conséquence une multiplication de tentatives de convois vers Gaza. Je ne discute pas ici de la légitimité ou de l’efficacité du blocus. La discussion est complexe et fera peut-être l’objet d’un prochain post. Loin d’être son défenseur, je pense cependant que restant aujourd’hui la politique d’Israël, la marge de manœuvre est réduite : une intervention a des conséquences négatives sur ce que pensent ses amis, une non-intervention aurait des conséquences dangereuses sur ce que pensent ses ennemis. Le "moins pire" est clairement la première option.

Ma conclusion est donc la suivante : 1. Cette expédition a un but médiatique et non humanitaire, qui du reste est nécessaire. 2. Israël n’a que peu d’option et se prêtera, à tord ou à raison, une nouvelle fois et pour le pire, à la provocation des activistes. Le désagrément causé par l’opprobre international pèse moins lourd dans la balance du gouvernement israélien que la peur de paraître aux yeux de son peuple et de ses ennemis, un pouvoir faible et malléable. 3. D’où ma question: pourquoi attendre d’éventuels nouveaux morts ou des blessés pour parler de Gaza, et dénoncer le blocus ? Les vrais amis d’Israël et des palestiniens, gouvernement, ONG ou société, ne devraient pas attendre un nouvel affrontement, et prendre les devant en France et ailleurs, pour exercer une véritable pression politique sur Israël et lui faire reconnaître l’inutilité et la cruauté du blocus économique, ce qui du même coup, rendrait obsolète une telle provocation. Oui mais voilà, il est à croire que seul le sang versé appelle à verser l’encre. Triste état des choses dans notre monde-spectacle gavé de violence.

vendredi 17 juin 2011

La Guerre du cottage aura bien lieu

Depuis le début du mois de juin, il souffle en Israël un vent de révolte à propos d'un sujet qui fâche aussi chez nous: le fromage! Ou plus précisément son prix. Un appel au boycott du cottage, fromage blanc grumeleux, étendard de la gastronomie israélienne a été lancé et regroupe déjà sur Facebook plus de 70.000 membres. Ce mécontentement fait suite à l'annonce au mois dernier d'une augmentation des prix des produits laitiers. De l'ordre de 5%, cette augmentation est surtout choquante car elle apparaît coordonnée entre les trois géants du secteurs Tnuma, Strauss et Tara. Profitant d'une situation d'oligopole, de l'absence de concurrence étrangère et de la libéralisation des prix opérée en 2006, ces compagnies n'ont cessé ces dernières années d'agrandir leur marge. Aujourd'hui les yaourts israéliens valent le double de ceux achetés en France, le fromage blanc est quant à lui près de deux fois et demi plus cher. C'est le cas de le dire: Tnuma, Strauss et Tara se font du beurre sur le dos du consommateur israélien. La grogne populaire est alors la conséquence d’un effet « ras le bol», la dernière augmentation étant en quelque sorte la goutte de lait qui fait déborder le vase. Certains vont d'ailleurs jusqu’à interpréter le boycott comme la manifestation israélienne du « nouveau printemps » qui touche les pays du Moyen- Orient.

Le boycott a déjà eu un certain impact dans la sphère politique. Si le gouvernement se refuse à discuter la restauration de prix-plafonds il a revanche annoncé que les contrôles encore existants ne seraient pour l’heure pas supprimés. Benjamin Netanyahu et le Ministre israélien des Finances, Yuval Steinitz, ont déclaré qu’ils étudieraient la possibilité d’une autorisation de l’importation de produits laitiers. Il s’agirait, selon Steinitz, de la plus sûre façon de faire baisser les prix des produits laitiers en Israël. La commission économique de la Knesset a prévu une discussion sur les prix alimentaires pour la semaine prochaine.

En réalité, la guerre du cottage soulève en Israël la délicate question de la protection du secteur agricole en général et des produits frais en particulier, dont les importations subissent des quotas et des taxes très contraignantes. Une des raisons, commune à d'autres pays, est la volonté politique de protéger ses producteurs et son agriculteur, au détriment du pouvoir d'achat de l'ensemble de la société. Mais il ne faut pas oublier qu'en Israël, la question d'autarcie alimentaire est également un enjeu de sécurité, si en cas de conflit ouvert, l'approvisionnement par les ports se faisait impossible.

Toujours est-il que ce matin, une promo spéciale était réalisé sur le cottage: deux pots pour le prix d'un. De quoi faire fléchir les boycotteurs ? Gageons que non.