jeudi 22 décembre 2011

L'israélien de naissance est-il juif?

I.
   On distingue dans la population israélienne ceux qui sont revenus en Eretz Israël au cours  des vagues successives d’alyah et les autochtones, nés en Israël, qu’on appelle les sabras (en hébreu les Tsabarim). Le chance d’être israélien et sabra dépend bien sûr de son histoire familiale, de sa génération et de la nationalité d’origine. Par exemple, comme la dernière alyah massive s’est produite dans les années 90-93 à la suite de la chute du régime soviétique, la probabilité qu’un cinquantenaire qui appartient à la communauté russe ne soit pas un sabra, est beaucoup plus élevé que parmi les communautés séfarades et ashkénazes d’Europe occidentale. Aujourd’hui au sein de la jeune génération (disons avec une moyenne d’âge de 25 ans), le cas répandu est celui de rencontrer des sabras dont les parents ou les grands parents ont fait alyah au siècle dernier.
   
    Ces jeunes israéliens, sabras donc, n’ont pas grand chose à voir avec la vision du juif qu’on pouvait avoir dans le monde occidental du XXème siècle, et qu’on garde sûrement en partie. Comme nous allons le voir, on pourrait pousser l’audace jusqu’à dire que leurs modèles et leurs archétypes se sont précisément construits en opposition à cette image du juif européen doublement entravé, par un carcan physique d’abord, résidant du ghetto ou du shtelt (bien qu’il s’agisse là de deux mondes très différents), un carcan spirituel ensuite, qui est l’esprit de la galout (la vie dans l’exil).

    L’image du sabra a pour première caractéristique celle d’un homme fort, qui se dévoue tour à tour au kibboutz et à l’armée, deux mondes où le physique est une dimension centrale. Cette idée de puissance physique est directement opposée à la définition du juif européen du ghetto caractérisé en premier lieu par son intellect et  dont on a tous en tête la représentation chétive et malingre. Cet archétype du sabra s’est imposé dans les diverses relations humaines : amoureuses d’abord ; les femmes israéliennes sont pour la plupart clairement attirées vers des hommes à la masculinité prononcée, - un israélien venu de France, volontaire  dans un kibbutz dans les années 60,  avait déjà constaté ce goût féminin particulier et les tracas pour les jeunes français volontaires qui en découlaient- , sociales ensuite, le contact en Israël est franc (j’ai déjà pu en toucher deux mots dans cette colonne) et dénué de toute politesse, rude dans un certains sens. La version extrême -pour ne pas dire dégénéré - de cet archétype est d’ailleurs le “achs”. Les achsim sont ces jeunes israéliens qui en été envahissent les plages, bandent les muscles, sourient bêtement et draguent tout ce qui se porte un maillot deux pièces. Certes dans certains milieux l’appellation de achs possède une connotation clairement négative mais leur profilération dans les couches populaires dénote de l’attachement au culte de la masculinité, valeur première du sabra.

    En second lieu, un deuxième caractéristique du sabra, moins perceptible aux premiers abords, est celle de son conditionnement au destin national, à sa conscience précoce que ses actions, ses devoirs sont dirigées vers le futur- c’est d’ailleurs pourquoi je pense que l’on peut trouver chez les jeunes israéliens cette maturité particulière, absente chez les jeunes générations d’autres nations- .  Après tout les deux écoles de vie du sabra sont le kibboutz et l’armée (cette dernière ayant pris le pas sur le premier) qui ne sont rien d’autre que la construction et à la défense du pays. Difficile de faire mieux comme axe de formation et de perspectives des jeunes esprits. De toute évidence, cette caractéristique du sabra s’oppose à l’esprit de la galout, que ressentait et ressent peut-être encore la plupart des juifs de la diaspora: le sentiment d’une vie provisoire, de l’absence de repère et de destination dans les actions qu’ils entreprennent. Au début du XX, les grands penseurs juifs relevaient déjà ce trait ancré dans leur peuple ; Nordau utilisait par exemple une image pour illustrer cet état d'incertitude, de laisse-faire, caractéristique de la représentation du juif de la galout. Pour le juif, disait il, il ne suffit pas que des nuages sombres se profilent à l’horizon pour acheter un parapluie, il attendra d’être trempé et d’avoir une pneumonie. Le juif, dans la vision traditionnelle, n’apprends pas par le raisonnement mais  par les catastrophes qu’il subit.

   On peut se poser la question d’où provient l’image du sabra? Qui l’a construite? La réponse n’est pas difficile: les penseurs et écrivains sionistes. On peut d’ailleurs remarqué que les deux grands courants du sionisme, le premier relié au socialisme, au manette de l’Organisation Sioniste dans les années d’édification de l’Etat d’Israël et le courant révisionniste, agissant dans la N.O.S s’entendent largement sur ce point: la nécessité de changer chez le juif sa mentalité et du même coup sa capacité de réaction en vue de la création de l’Etat d’Israël. Dans le premier courant, celui de Ben Gurion, cela passe par la lutte des classes, et l’édification de l’homme nouveau, dans le second par la création pragmatique d’une Légion juive, pour mettre un terme au mal juif de “réfléchir sans agir”. (Je ne m’attarde pas aujourd’hui sur l’histoire du sionisme) Paradoxalement, ces hommes, théoriciens ou leaders de la cause sionistes étaient des juifs de la galout. La création par leur soin de l’image du juif acteur et conquérant en étroite opposition de leur milieu d’enfance ou de jeunesse n’est pas anodine: elle s’inscrit dans un rejet de ce qu’était à l’époque le juif de la diaspora. Pour créer Israël, il fallait d’abord se défaire de ce qui caractérisait le juif dans sa condition d’exilé. Il est cependant à remarquer que le concept du sabra a largement évolué depuis ses premiers balbutiements ; l’homme juif nouveau que ses inventeurs ont du rêver comme le parfait équilibre entre le corps, l’intellect, un homme de chair, de muscle et d’esprit, a dérivé jusqu’au sabra que l’on connaît aujourd’hui, largement désintellectualisé. (On pourrait s’interroger si la détérioration intellectuelle dans la société israélienne au cours de ces dernières décennies est reliée à celle des autres sociétés ou au contraire, connaît des mécaniques qui lui sont propres).

II.
    Après ce tableau rapide et sûrement trop shématique du sabra, comme antithèse du juif de la diaspora, j’aimerais discuter avec vous de ce qui apparaître être un de ses corollaires: les relations, ou plutôt, la difficulté des relations entre société laïque israélienne et juifs ultra orthodoxes. Ceux-ci  composent 10% de la population israélienne et sont regroupés dans une  communauté  très fermée, difficile  à appréhender, -qui mériteraient que je vous en parle de manière plus approfondie-. Les tensions entre ultra religieux et sphère laïque sont monnaie courante: les tentatives de ségrégations sexuelles dans des bus publics, les pressions sur les magasins pour qu’ils respectent le shabbat, la détérioration de panneaux publicitaires aux modèles féminins constituent une part non négligeable des faits de société dans les journaux israéliens. On dit les israéliens fatigués, voir excédés, des exactions de cette communauté et inquiets de leur forte croissance démographique. On avance l’argument économique pour expliquer les tensions: la plupart des ultra-orthodoxes, surtout les hommes, ne travaillant pas, leur survie dépend des aides de l’Etat, payées par le contribuable israélien. Au fil des années, alors que le poids démographique de la communauté ulra-orthodoxe grandit, il en va de même pour cette ardoise de tsédaka (charité) imposée. D’où, selon les analystes, grogne et mécontentement des israéliens envers les ultra-orthodoxes.

    On peut cependant envisager que la nature du mal-aise entre la communauté ultra-orthodoxe et le reste de la société israélienne est plus fondamentale qu'un ressenti pécuniaire: cette communauté constitue dans un sens la persistance du juif du ghetto au pays des sabras, la résistance de cet esprit de la galout en Eretz Israël même. (A ceux qui objecterons que les jeunes ultra-orthodoxes sont pour la plupart eux aussi sabra alors qu’à l’évidence ils ne remplissent pas les critères que j’ai brossés un peu plus haut, on peut répondre qu’ils ne sont pas sabra puisque la plus grande partie de la communauté ne reconnaît pas la République Israélienne comme Eretz Israël, ce dernier devant selon la croyance être créé par le Messie). Plusieurs considérations pour étayer cette idée ; les ultra-orthodoxes ont pour ainsi dire reformer le guetto en créant des quartiers communautaires (le plus connut d’entre eux est Méah’Sharim à Jérusalem). Le jeune ultra-orthodoxe est allergique à toute culture physique, exempté de l’armée (à l’exception de quelques rares volontaires, que le gouvernement cherchent à promouvoir dans des bataillons spéciales d’hassidim, rattachés à Tsahal). La communauté refuse tout principe de modernité, toute prospection future et vit semaine après semaine selon le rythme du calendrier religieux régi par les fêtes. Les styles vestimentaires strictement respectés par ses membres proviennent des anciennes communautés juives d’Europe. Bref, on aura compris l’évidence : la communauté ultra-orthodoxe s’apparente à une espèce de formole où se sont figés les moeurs, l’état d’esprit des juifs de la diaspora des siècles passés. Ce que l’on peut penser, c’est que l’inconfort des autres israéliens devant les membres de cette communauté résident dans cette idée là: ils les considèrent comme des ancêtres indésirables, dont en temps normal, on cacherait le portrait au fond d’un tiroir, mais qui présentent l’inconvénient d’être vivants. Voilà peut-être ce qu’est l’ultra-orthodoxe pour le sabra, sans que celui-ci ne puisse se le formuler:  le vivant et intolérable rappel des traits du peuple juif au cours de la galout et dont lui, sabra, est l’exacte négation.

jeudi 13 octobre 2011

Quand le Hamas et Israël s'entendent

     La une des journaux en Israël est entièrement occupée par la prochaine libération de Gilad Shalit et de 1027 prisonniers palestiniens, après l'accord passé entre le gouvernement hébreu et le Hamas. En Israël et en Palestine, on se tient prêt à se réjouir, pas des mêmes choses bien sûr. Reste que la réaction des médias français et des commentateurs en tout genre est inquiétante. Outre l'erreur du Monde sur le nombre des palestiniens concernés par l'échange, l'analyse au lance pierre sur la réussite inopinée de la transaction, et les habituelles remarques purement antisémites et hors sujet, on a en règle générale aucun détail dans nos médias (version informatique) sur le récent accord et la discussion qu'il a nécessité, rien sur ses protagonistes (pourtant nombreux), à peine plus sur ses clauses et sa mise en oeuvre dans les prochains jours. Retour donc, avec objectivité (si tenté que cela soit possible), sur les déterminants du dernier (espérons-le) volet de l'affaire Shalit.

    La scène d'abord. Au Caire, table de discussion entre les représentants du Hamas (qu'on ne présente plus),  David Meidan, envoyé de Netanhayou et le Shin Bet, les services de Sécurité Générale israéliens. cette dualité du côté israélien a son importance: Meidan est parle au nom du gouvernement, il sait ce à quoi est prêt celui-ci pour obtenir gain de cause, quelles sont ses "red lines" et les points à valoriser dans la négociation. Shin Bet, représentée par son directeur Yoram Cohen, fournit l'information quant aux palestiniens concernés par l'accord. Son rôle est éminent stratégique, Y. Cohen prenant d'ailleurs la liberté de donner clairement  son avis sur le bien ou le mal fondé de la décision. Troisième opérateur israélien, les IDF, chargées de la mise en oeuvre de l'accord sur le terrain, autrement dit, de la récupération de Shalit auprès des autorités égyptiennes, et de la remise en liberté des détenus. Enfin le médiateur, en premier lieu l'Egypte, très active dans le nombre de propositions visant à franchir le gap restant entre les deux camps, et la délégation allemande dans une moindre mesure.

    L'accord ensuite. Rien que1027 palestiniens pour un juif israélien. En plus de ce déséquilibre du nombre, Israël a du faire deux autres concessions, qui faisaient partie de ses red lines jusqu'à récemment: libérer des arabes israéliens ainsi que certains détenus, anciens organisateurs d'actes terroristes, (faisant partie à ce titre de la liste des 125 des "non négociables"). Israël a cependant obtenu du Hamas une importante concession en échange: le non retour de la plupart de ces détenus en Cisjordanie mais expulsés vers Gaza ou vers l'étranger. C'est pourquoi l'accord paraît aux yeux de nombreux protagonistes du camps israélien, comme très acceptable, voir comme la meilleure opportunité obtenue depuis le début des négociations. Enfin, signalons qu'en vertu de la loi israélienne, l'accord doit être au préalable accepté par la société israélienne, puisque que chaque israélien dispose du droit de saisir la Cour Suprême contre sa mise en œuvre.


    L'analyse enfin. Chacun se gargarise de trouver des raisons évidemment politiques et sournoises, faisant Netanyahu digne de  Machiavel,  pour expliquer cet accord. On évoque un gouvernement israélien mis en difficulté par la "rue israélienne" à la recherche d'un regain de popularité, ou encore plus alléchant, la volonté d'Israël en concluant ce marché avec le Hamas d'affaiblir le Fatah d'Abu Mazen afin de miner sa démarche à l'ONU. Sans contester la pertinence de ces éléments, qui restent néanmoins discutables,  il me semble qu'on oublie à quelle point la dimension sentimentale est primordiale : Shalit est en captivité depuis plus de cinq ans (du jamais vu pour un prisonnier israélien détenu par le Hamas), on ne peut pas se promener dans une ville en Israël, sans rencontrer un portrait géant de lui, une affiche sur les murs, ou un tag sur un pylône avec comme toute légende free shalit ; sa famille ont dressé une tente de protestation en plein centre de Jérusalem, non loin de la residence du PM, dont la fréquentation n'a cessé de croitre au fil des mois. Cette libération était attendue d'une manière très forte par la société israélienne, Netanyahu n'avait peut-être pas le pouvoir et la marge de manoeuvre qu'on lui imputait dans cette affaire.

      Retour  en dernier lieu sur les éléments politiques évoqués précédemment.Pour penser que cet accord est une manoeuvre délibérée d'Israël pour mettre en difficulté Abbas, faut-il encore s'interroger sur l'intérêt d'Israël de voir le Hamas plus fort au détriment du Fatah, au risque même de le voir supplanter ce dernier  en Cisjordanie. Je vous dis franchement mon avis : Israël n'a aucun intérêt à cela. Des petits malins diront que si, car cela mettait fin à toute velléités de paix, que l'Etat sioniste se refuse bien sûr à concrétiser.  Je pense le contraire d'abord parce que la procédure à l'ONU, malgré tout ce qu'on écrit dessus, ne représente aucun danger direct et de court terme pour Israël. Ensuite, car sans même discuter de la volonté réelle d'Israël à faire ou ne pas faire la paix, on ne peut pas raisonnablement penser qu'Israël gagnerait à la fin de la coordination des politiques sécuritaires et économique avec l'Autorité Palestinienne au sein des territoires occupés, la montée des violences dans ces zones, et l'exposition accrue au terrorisme provenant de Cisjordanie, ces trois dernières propositions étant les conséquences probables d'une hypothétique prise de pouvoir du Hamas en Cisjordanie.

Que conclure? Restons prudent, bien sûr. On connaît mal d'abord l'ensemble des dimensions d'un tel accord, qui reste à être finalisé. L'accord a un double mérite: satisfaire l'attente angoissée de toute une société, améliorer le sort de palestiniens, sans augmenter de manière significative la menace terroriste pesant sur Israël.  Qu'on y réfléchisse avant de le dénoncer à grands cris. (NB: Nous n'avons pas discuter des raisons d'Israël de garder en captivité de nombreux palestiniens, souvent au mépris de la plus élémentaire justice. C'est un sujet, peu reluisant pour Israël, sur lequel il s'agit quand même de s'informer de manière réfléchie avant de porter toute opinion hâtive).













dimanche 9 octobre 2011

Yom Kippour, Tsom Kal ou bonne balade.

Hier à six heures résonnait le Shofar pour signaler la fin du Tsom, le jeûne en ce jour de Yom Kippour. Retour sur ces 25 heures assez spéciales en Israël, faites de privations et de...promenades à bicyclette.

Yom Kippour, comme chacun sait, c'est le jour du Grand Pardon devant être entièrement consacrer à la contrition afin d'expier ses fautes. Outre les cinq interdictions, - ne pas se laver, ne pas se frictionner le corps, ne pas porter de chaussures en cuir, ne pas manger ni boire, et ne pas s'aimer -, on passe sa journée à prier et lire les psaumes, en autre le Livre de Jonas, dont l'histoire est éloquente pour le thème du jour. Mais ce délicieux emploi du temps ne concerne qu'une partie de la population juive israélienne.

Car aujourd'hui, Yom Kippour, c'est un peu la fête du vélo pour la population séculaire. Aucune voiture ne roulant pendant toute la durée du Tsom dans les villes comme sur les autoroutes, c'est l'occasion rêvée d'aller essayer son nouveau VTT dans Nevet Tsedek ou se prendre pour Niv Libner sur la route de Haifa. Et si on est pas un fan de deux roues, on profite toujours du calme citadin, inexistant à Tel Aviv les 364 autres jours de l'année, pour se promener en famille. Les vieux installent leur table de Shesh Besh au beau milieu des carrefours et la veille, les enfants sont autorisés à jouer dans les rues jusqu'à une heure avancée de la nuit.

Alors, entre le cycliste et le pécheur en repentance, certains cherchent à trouver un juste milieu. Sans passer toute la journée à la syna, ils décident de se priver de nourriture, peut-être afin de ressentir eux aussi l'esprit de Kippour. Au final, c'est à chacun de choisir son attitude, son implication dans le jour saint. Une affaire de choix personnel donc ? Pas si sûr. Car en Israël, à chaque évènement du calendrier religieux, se pose de savoir à quel point l'État organise et règlemente la vie économique et sociale périphérique à la fête religieuse. Si à Yom Kippour, l'absence de trafic est entièrement due à la tradition et ne repose sur aucun décret (on rencontre d'ailleurs des voitures en circulation à Yaffo), on peut s'étonner en revanche de la loi obligeant les commerces et les restaurants à fermer. Israël se proclame comme l'État juif, mais à l'image d'une grand part de sa population, juive et détachée de la religion, savoir si l'État est religieux ou laïc reste ambigüe.



vendredi 7 octobre 2011

Reprise du blog, ! שנה טובה

C'est avec beaucoup de retard que je vous souhaite la Shana Tova! Une année 5772 que je vous souhaite pleine de réussite, de découvertes et de joie surtout. De nouveau en Israël pour quatre autres mois, je reprends ce petit blog sur la Terre Promise, sa société et ses contradictions. Et si je ne vous promets quant à moi ni la lune ni même une petite bande de terre à l'est de la Méditerranée, je vous garantis tout de même un programme chargé. Sujets à aborder parmi d'autres:
● Politique ; avec la poursuite des efforts pour la reconnaissance d'un état palestinien et la reprise des négociations.
● Social ; retour sur les revendications de l'été israélien et leur impact.
● Sociétal ; un petit tour à prévoir du côté des communautés ultra-orthodoxe et arabe. 
● Religion ;  de quoi découvrir entre Yom Kippour, Soukkot ou Hanouka.
● Culturel ;  si ce n'est pas déjà fait, il est tant pour vous de vous ouvrir à la musique israélienne.

Voilà, en espérant vous retrouver très vite sur ces pages ou à travers un de vos commentaires (dithyrambiques, cela va de soit) ; bon vent et bonne lecture. 

 

dimanche 14 août 2011

Les petits riens à Tel Aviv_3 : Shouk et français ne font pas bon marché!

       En août, Tel Aviv est investie par les français. C'est bien simple, ils sont partout. Qu'ils déambulent sur la croisette, pullulent sur la plage ou mandibulent aux terrasses des restaurants, on ne voit qu'eux, et encore plus gênant, on n'entend qu'eux. Deviner le "juif parisien", à ses expressions désabusées ou aux mœurs vestimentaires frivoles, devient alors le jeu à la mode -et légèrement antisémite- pratiqué à la pause déjeuner ou lors des sorties nocturnes.

      Même le Shouk Hacarmel, l'endroit israélien par excellence, le saint des saints de Tel Aviv est envahi! Certes on y entend toujours les vociférations des marchands de fruits et légumes (Shéva bééser!! Shévaaa bééser!! yallah !), on y contemple encore les étalages d'épices, de gâteaux arabes ou les devantures des fromageries. Mais l'atmosphère est désormais lourde de bleu-blanc-rouge: on croise une bonne douzaine de compatriotes au mètre carré. Au mieux, ils cherchent à se fondre dans le décor à coup de kama zé holé, à l'accent prononcé ; au pire, ils ne font aucun effort et là ça donne du: "Maman, maman, attends moi, j'ai vu des tee-shirts trop pas chers!! File-moi 50 shekels, allez, steup-plaît", du "Allo t'es où? Nous au marché, ouais ouais c'est good mais c'est complètement bliiiindé.." du "On fait quoi ce soir? Chais pas j'suis crevé", ou du " Je kiffe le shouk" (la dernière phrase fait état d'un esprit à mi-chemin dans la typologie précédemment dressée, à savoir le français qui réinvestit son vocabulaire hébreux à la sauce francophone).

       Outre la perte d'exotisme qu'il engendre, ce cadre hexagonal imposé présente d'autres inconvénients.1.Une montée générale des prix , certes logique pour la pleine saison, mais surement stimulée par la frénésie du porte-monnaie de nos amis gaulois. 2. Une réduction considérable de la marge de négociation. Que vous la preniez ou pas, il la vendra cette casquette! 3. Une inclination croissante du vendeur israélien à vous entuber aux instants stratégiques de vos emplettes: à l'annonce du prix, de la pesée, et même à la remise de la monnaie. Il faut alors sortir les dents, bander les muscles, et débiter votre hébreux le plus pur afin d'épater le commerçant, et sauver quelques maigres agourot. A ce rythme, acheter trois légumes devient vite un sport éreintant et c'est kol kar épuisé que vous sortez du shouk, en maudissant ces maudits franç... et zut, c'est vrai que vous en êtes un également.
 



















samedi 6 août 2011

Le printemps en Israël ?


En Israël le mouvement de protestation se poursuit et prend de l'ampleur. Une manifestation hebdomadaire a lieu chaque samedi soir, depuis trois semaines. Aujourd'hui, elle rassemblait 300.000 personnes, plus du double de la semaine dernière. Est-il alors approprié de parler de printemps israélien ? Déjà les analystes se plaisent à joindre ce qui se passe en Israël aux bouleversements des pays arabes de la région. Certes, quelques-uns vous diront que toute comparaison est hors de propos: les évènements en Israël se déroulent de manière non-violente et n'ont pas (encore) fait de victimes. Surtout, les revendications sont d'ordre économique et ne prétendent pas au renversement d'un système autoritaire. Et oui, malgré les nombreux défauts qu'on peut lui alléguer, on doit bien admettre qu'Israël est (encore_bis) une démocratie. Pas de tank donc à Tel Aviv, mais le blocage aux voitures, organisé par la police, des principales artères empruntées par le cortège.

Printemps arabe et manifestations israéliennes, rien à voir donc? Pas si sûr. Les revendications, s'il est vrai qu'elles ont pour origine un sursaut purement économique dépasse aujourd'hui de simples demandes sur le pouvoir d'achat. Le mot d'ordre de ces derniers jours parmi les protestants, celui scandé dans les cortèges n'est pas moins que Justice sociale, we want social justice. Le champs des revendications s'est d'ailleurs étendu: ce qui a commencé par le prix du cottage et de l'immobilier atteint les domaines de l'éducation, des childcares, la question des subventions accordées aux orthodoxes, l'appartenance de la terre, etc.. Cette demande de justice sociale va main dans la main avec un esprit idéaliste proche de celui des premiers kibboutzim. Dans la « communauté des tentes » sont ainsi proposés divers services gratuits comme la coupe de cheveux, la pause café, ou le déjeuner. En son sein, on s'appelle déjà la nouvelle génération en marche, on enjoint l'ensemble de la société à la rejoindre. La société israélienne est d'une manière générale admirative et solidaire de la lutte engagée par ses jeunes, à l'image du nostalgique écrivain Amoz Oz, qui en appelle aux israéliens des années 50, les faiseurs d'un Etat. C'est, d'après lui, cette unité perdue, que quête avec courage et sagacité la jeunesse israélienne aujourd'hui.

En ce sens, on peut penser – espérer ?- que printemps arabe et récent bouleversement de la société israélienne partagent un point commun criant et crucial: ils sont tout les deux les appels pressants à un renouveau. Des événements d'une même essence, donc, ce qui, dans une certaine mesure, est une bonne nouvelle. Cela signifie qu'Israël est un acteur du Moyen-Orient à part entière et (presque) normalisé, étant à la fois l'objet et l'instigateur d'influences auprès des autres pays de la zone.

mardi 26 juillet 2011

Rothschild vs. Sdérot Haoélim !

L'avenue Rothschild, véritable cardo de Tel aviv, réputée pour ses arbres, son calme, ses cafés, la bima (le centre culturel de la ville), et le prix de son mètre carré, fait l'objet d'une invasion peu commune: une forêt de tentes a poussé sur tout son long! Tout a commencé il y a environ dix jours, avec la proposition de la jeune Daphni Leed, lancée sur facebook, en protestation contre le prix (délirant) de l'immobilier  israélien. A titre d'exemple les prix de location et de vente à Tel aviv sont comparables aux prix parisiens, pour un salaire moyen environ 1,5 moins élevé. Expliquer la récente explosion des prix sur le marché israélien (+ 16% par an depuis 2007) est de toute évidence complexe. Certes, la conjecture macroéconomique d'après-crise explique en partie le phénomène : -en deux mots-, une baisse du taux d'intérêt, conduisant les investisseurs à placer dans la pierre, avec effet boule de neige, quand les spéculateurs s'y mettent aussi.  Mais, il est également vrai que la passivité du gouvernement quant à la chape de plomb bureaucratique qui pèse sur le secteur du bâtiment et ses refus constants à financer des affordable housing programs ne sont pas étrangers à cette envolée des prix.

Quoi qu'il en soit,  les שדריות האהלים, les rues des tentes, se sont bientôt imposées dans toutes les grandes villes du pays, et leurs habitants comptent tenir bon jusqu'à une réponse adéquate du gouvernement. La rue des tentes rassemble une population assez hétéroclite, du baba-cool anarchiste avec ses 4 bergers allemands au jeune cadre marié et aux aspirations d'accès à la propriété en berne. Les protestations s'expriment alors de multiples manières: on a le prosaïque אני כאן  כי אין בְּרִירָה , là parce que pas le choix, le pince-sans-rire קוראות בתלוש, on appelle ça être en slip, le concis דירה + שלטון = אסוך, appart+ législation = d'la merde ou le peace-and-love רוצים הרמוניה לא הגמיניה, on veut l'harmonie et non l'hégémonie.

Le gouvernement, lui, semble vouloir gérer le phénomène avant qu'il ne "dégénère" en véritable crise sociale. Bibi a invité les manifestants à une table ronde et  a déjà annoncé la construction de 10.000 logements spécialement destinés aux étudiants et jeunes couples dont la moitié sera mise en vente, et l'autre louée et gérée par l'État. Toutefois ce programme semble peu ambitieux face à un déficit logement, évalué entre 80.000 et 120.000. Et dans tout les cas, le laps de temps à la réalisation de ces logements peut laisser penser que la baisse des prix ne sera pas immédiate.

Ce mouvement social fait bien sûr écho au phénomène du boycott du cottage, débuté en juin.D'aucuns disent déjà que l'heure du changement est venue. Ils se félicitent d'une révolution sociale en marche et prédisent sous peu la propagation de ces mouvements à l'ensemble des sujets de société, du coût de transports, au régime des retraites, en passant par les conditions du travail. On appelle d'ailleurs sur facebook à une grève générale dans tout le pays pour le 1er août.  On a le droit cependant d'être plus sceptique. Car ces protestations attaquent la partie immergée de l'iceberg: elles s'en prennent à la perte du pouvoir d'achat pour les 4/5 de la population au profit du dernier cinquième, conséquence des politiques ultra- libérales menées par le likoud sur la dernière décennie, et non pas à ces politiques elles-même, et au système qu'elles ont fondu. Malgré ce que peuvent dire certaines affiches, elles ne sont pas le cri des nouveaux esclaves, mais des nouveaux pauvres. Leur seule origine est un mal-aise dans la capacité à acheter, leur unique champs d'action est celui du consommateur. On peut craindre alors qu'après quelques miettes lâchées par le gouvernement, les protestations s'essoufflent et s'évanouissent aussi vite quelles sont apparues.

Quoi qu'il en soit,  les שדריות האהלים, les rues des tentes, se sont bientôt imposées dans toutes les grandes villes du pays, et leurs habitants comptent tenir bon jusqu'à une réponse adéquate du gouvernement. La rue des tentes rassemble une population assez hétéroclite, du baba-cool anarchiste avec ses 4 bergers allemands au jeune cadre marié et aux aspirations d'accès à la propriété en berne. Les protestations s'expriment alors de multiples manières: on a le prosaïque אני כאן  כי אין בְּרִירָה , là parce que pas le choix, le pince-sans-rire קוראות בתלוש, on appelle ça être en slip, le concis דירה + שלטון = אסוך, appart+ législation = d'la merde ou le peace-and-love רוצים הרמוניה לא הגמיניה, on veut l'harmonie et non l'hégémonie.

Le gouvernement, lui, semble vouloir gérer le phénomène avant qu'il ne "dégénère" en véritable crise sociale. Bibi a invité les manifestants à une table ronde et  a déjà annoncé la construction de 10.000 logements spécialement destinés aux étudiants et jeunes couples dont la moitié sera mise en vente, et l'autre louée et gérée par l'État. Toutefois ce programme semble peu ambitieux face à un déficit logement, évalué entre 80.000 et 120.000. Et dans tout les cas, le laps de temps à la réalisation de ces logements peut laisser penser que la baisse des prix ne sera pas immédiate.

Ce mouvement social fait bien sûr écho au phénomène du boycott du cottage, débuté en juin.D'aucuns disent déjà que l'heure du changement est venue. Ils se félicitent d'une révolution sociale en marche et prédisent sous peu la propagation de ces mouvements à l'ensemble des sujets de société, du coût de transports, au régime des retraites, en passant par les conditions du travail. On appelle d'ailleurs sur facebook à une grève générale dans tout le pays pour le 1er août.  On a le droit cependant d'être plus sceptique. Car ces protestations attaquent la partie immergée de l'iceberg: elles s'en prennent à la perte du pouvoir d'achat pour les 4/5 de la population au profit du dernier cinquième, conséquence des politiques ultra- libérales menées par le likoud sur la dernière décennie, et non pas à ces politiques elles-même, et au système qu'elles ont fondu. Malgré ce que peuvent dire certaines affiches, elles ne sont pas le cri des nouveaux esclaves, mais des nouveaux pauvres. Leur seule origine est un mal-aise dans la capacité à acheter, leur unique champs d'action est celui du consommateur. On peut craindre alors qu'après quelques miettes lâchées par le gouvernement, les protestations s'essoufflent et s'évanouissent aussi vite quelles sont apparues.