En août, Tel Aviv est investie par les français. C'est bien simple, ils sont partout. Qu'ils déambulent sur la croisette, pullulent sur la plage ou mandibulent aux terrasses des restaurants, on ne voit qu'eux, et encore plus gênant, on n'entend qu'eux. Deviner le "juif parisien", à ses expressions désabusées ou aux mœurs vestimentaires frivoles, devient alors le jeu à la mode -et légèrement antisémite- pratiqué à la pause déjeuner ou lors des sorties nocturnes.
Même le Shouk Hacarmel, l'endroit israélien par excellence, le saint des saints de Tel Aviv est envahi! Certes on y entend toujours les vociférations des marchands de fruits et légumes (Shéva bééser!! Shévaaa bééser!! yallah !), on y contemple encore les étalages d'épices, de gâteaux arabes ou les devantures des fromageries. Mais l'atmosphère est désormais lourde de bleu-blanc-rouge: on croise une bonne douzaine de compatriotes au mètre carré. Au mieux, ils cherchent à se fondre dans le décor à coup de kama zé holé, à l'accent prononcé ; au pire, ils ne font aucun effort et là ça donne du: "Maman, maman, attends moi, j'ai vu des tee-shirts trop pas chers!! File-moi 50 shekels, allez, steup-plaît", du "Allo t'es où? Nous au marché, ouais ouais c'est good mais c'est complètement bliiiindé.." du "On fait quoi ce soir? Chais pas j'suis crevé", ou du " Je kiffe le shouk" (la dernière phrase fait état d'un esprit à mi-chemin dans la typologie précédemment dressée, à savoir le français qui réinvestit son vocabulaire hébreux à la sauce francophone).
Outre la perte d'exotisme qu'il engendre, ce cadre hexagonal imposé présente d'autres inconvénients.1.Une montée générale des prix , certes logique pour la pleine saison, mais surement stimulée par la frénésie du porte-monnaie de nos amis gaulois. 2. Une réduction considérable de la marge de négociation. Que vous la preniez ou pas, il la vendra cette casquette! 3. Une inclination croissante du vendeur israélien à vous entuber aux instants stratégiques de vos emplettes: à l'annonce du prix, de la pesée, et même à la remise de la monnaie. Il faut alors sortir les dents, bander les muscles, et débiter votre hébreux le plus pur afin d'épater le commerçant, et sauver quelques maigres agourot. A ce rythme, acheter trois légumes devient vite un sport éreintant et c'est kol kar épuisé que vous sortez du shouk, en maudissant ces maudits franç... et zut, c'est vrai que vous en êtes un également.