mardi 26 juillet 2011

Rothschild vs. Sdérot Haoélim !

L'avenue Rothschild, véritable cardo de Tel aviv, réputée pour ses arbres, son calme, ses cafés, la bima (le centre culturel de la ville), et le prix de son mètre carré, fait l'objet d'une invasion peu commune: une forêt de tentes a poussé sur tout son long! Tout a commencé il y a environ dix jours, avec la proposition de la jeune Daphni Leed, lancée sur facebook, en protestation contre le prix (délirant) de l'immobilier  israélien. A titre d'exemple les prix de location et de vente à Tel aviv sont comparables aux prix parisiens, pour un salaire moyen environ 1,5 moins élevé. Expliquer la récente explosion des prix sur le marché israélien (+ 16% par an depuis 2007) est de toute évidence complexe. Certes, la conjecture macroéconomique d'après-crise explique en partie le phénomène : -en deux mots-, une baisse du taux d'intérêt, conduisant les investisseurs à placer dans la pierre, avec effet boule de neige, quand les spéculateurs s'y mettent aussi.  Mais, il est également vrai que la passivité du gouvernement quant à la chape de plomb bureaucratique qui pèse sur le secteur du bâtiment et ses refus constants à financer des affordable housing programs ne sont pas étrangers à cette envolée des prix.

Quoi qu'il en soit,  les שדריות האהלים, les rues des tentes, se sont bientôt imposées dans toutes les grandes villes du pays, et leurs habitants comptent tenir bon jusqu'à une réponse adéquate du gouvernement. La rue des tentes rassemble une population assez hétéroclite, du baba-cool anarchiste avec ses 4 bergers allemands au jeune cadre marié et aux aspirations d'accès à la propriété en berne. Les protestations s'expriment alors de multiples manières: on a le prosaïque אני כאן  כי אין בְּרִירָה , là parce que pas le choix, le pince-sans-rire קוראות בתלוש, on appelle ça être en slip, le concis דירה + שלטון = אסוך, appart+ législation = d'la merde ou le peace-and-love רוצים הרמוניה לא הגמיניה, on veut l'harmonie et non l'hégémonie.

Le gouvernement, lui, semble vouloir gérer le phénomène avant qu'il ne "dégénère" en véritable crise sociale. Bibi a invité les manifestants à une table ronde et  a déjà annoncé la construction de 10.000 logements spécialement destinés aux étudiants et jeunes couples dont la moitié sera mise en vente, et l'autre louée et gérée par l'État. Toutefois ce programme semble peu ambitieux face à un déficit logement, évalué entre 80.000 et 120.000. Et dans tout les cas, le laps de temps à la réalisation de ces logements peut laisser penser que la baisse des prix ne sera pas immédiate.

Ce mouvement social fait bien sûr écho au phénomène du boycott du cottage, débuté en juin.D'aucuns disent déjà que l'heure du changement est venue. Ils se félicitent d'une révolution sociale en marche et prédisent sous peu la propagation de ces mouvements à l'ensemble des sujets de société, du coût de transports, au régime des retraites, en passant par les conditions du travail. On appelle d'ailleurs sur facebook à une grève générale dans tout le pays pour le 1er août.  On a le droit cependant d'être plus sceptique. Car ces protestations attaquent la partie immergée de l'iceberg: elles s'en prennent à la perte du pouvoir d'achat pour les 4/5 de la population au profit du dernier cinquième, conséquence des politiques ultra- libérales menées par le likoud sur la dernière décennie, et non pas à ces politiques elles-même, et au système qu'elles ont fondu. Malgré ce que peuvent dire certaines affiches, elles ne sont pas le cri des nouveaux esclaves, mais des nouveaux pauvres. Leur seule origine est un mal-aise dans la capacité à acheter, leur unique champs d'action est celui du consommateur. On peut craindre alors qu'après quelques miettes lâchées par le gouvernement, les protestations s'essoufflent et s'évanouissent aussi vite quelles sont apparues.

Quoi qu'il en soit,  les שדריות האהלים, les rues des tentes, se sont bientôt imposées dans toutes les grandes villes du pays, et leurs habitants comptent tenir bon jusqu'à une réponse adéquate du gouvernement. La rue des tentes rassemble une population assez hétéroclite, du baba-cool anarchiste avec ses 4 bergers allemands au jeune cadre marié et aux aspirations d'accès à la propriété en berne. Les protestations s'expriment alors de multiples manières: on a le prosaïque אני כאן  כי אין בְּרִירָה , là parce que pas le choix, le pince-sans-rire קוראות בתלוש, on appelle ça être en slip, le concis דירה + שלטון = אסוך, appart+ législation = d'la merde ou le peace-and-love רוצים הרמוניה לא הגמיניה, on veut l'harmonie et non l'hégémonie.

Le gouvernement, lui, semble vouloir gérer le phénomène avant qu'il ne "dégénère" en véritable crise sociale. Bibi a invité les manifestants à une table ronde et  a déjà annoncé la construction de 10.000 logements spécialement destinés aux étudiants et jeunes couples dont la moitié sera mise en vente, et l'autre louée et gérée par l'État. Toutefois ce programme semble peu ambitieux face à un déficit logement, évalué entre 80.000 et 120.000. Et dans tout les cas, le laps de temps à la réalisation de ces logements peut laisser penser que la baisse des prix ne sera pas immédiate.

Ce mouvement social fait bien sûr écho au phénomène du boycott du cottage, débuté en juin.D'aucuns disent déjà que l'heure du changement est venue. Ils se félicitent d'une révolution sociale en marche et prédisent sous peu la propagation de ces mouvements à l'ensemble des sujets de société, du coût de transports, au régime des retraites, en passant par les conditions du travail. On appelle d'ailleurs sur facebook à une grève générale dans tout le pays pour le 1er août.  On a le droit cependant d'être plus sceptique. Car ces protestations attaquent la partie immergée de l'iceberg: elles s'en prennent à la perte du pouvoir d'achat pour les 4/5 de la population au profit du dernier cinquième, conséquence des politiques ultra- libérales menées par le likoud sur la dernière décennie, et non pas à ces politiques elles-même, et au système qu'elles ont fondu. Malgré ce que peuvent dire certaines affiches, elles ne sont pas le cri des nouveaux esclaves, mais des nouveaux pauvres. Leur seule origine est un mal-aise dans la capacité à acheter, leur unique champs d'action est celui du consommateur. On peut craindre alors qu'après quelques miettes lâchées par le gouvernement, les protestations s'essoufflent et s'évanouissent aussi vite quelles sont apparues.

dimanche 24 juillet 2011

Les petits riens à Tel Aviv_2

    Que l'on soit sensible ou non aux charmes des tel-avivoises, une évidence saute à tous les yeux : Tel aviv abrite une véritable institution du tatouage! A croire que se faire marquer la peau est un rite de passage à l'âge adulte, qui se ferait quelque part entre Tsahal et le début des études. On en trouve de tous types, toutes formes, tous styles: tribal, polynésien, gothique ; bien que les old et new schools ont la préférence du public féminin. Sur ces corps sveltes et bronzés,  il  y a ceux que l'on voit, et puis ceux que l'on devine, à moins d'être plus entreprenants. Nullement besoin cependant de forcer vos talents de séduction auprès des 100.000 jeunes femmes de Tel Aviv ; il suffit de commencer vos investigations sur la plage pour bientôt avoir une bonne idée du sujet et de l'engouement qu'il suscite chez la jeune population israélienne.

    Les Tel-avivois aiment les tatous ; et alors me diriez-vous? Pas de quoi injecter un post, -toutefois nullement indélébile-, dans un blog? C'est qu'il me reste à vous aiguiller sur une information quelque peu insolite aux regards des dernières considérations : la prohibition des cimetières juifs à toute personne tatouée. Peut-être pensez-vous comme moi. Cela risque de poser de sacrés problèmes en 2060, lorsque qu'il s'agira d'enterrer papi ou mamie qui, ô stupeur, aborde un diable ricanant, Marie Poppins, ou  "Fuck God", sur l'avant-bras, l'omoplate ou le haut des fesses (ridées, cela va de soi). Alors que reste-il? La fosse commune, le cimetière goy, la mer Méditerranée? Être un paria pour l'éternité, à cause d'une petite folie de jeunesse, un peu sévère, non?  Heureusement, à toute religion, sa solution : il suffira de prévoir le coup en veillant à se faire enlever de manière posthume l'objet du délit. (Notez ici cette profession plein d'avenir en Israël, le croquemort détatoueur) C'est un peu comme les indulgences chez le catholique, le hajj tardif chez le musulman, le temple votif chez le patricien romain, ou encore ; comme regagner le giron des bons croyants après une vie affranchie de toute contrainte religieuse.

mardi 19 juillet 2011

Facettes israéliennes

               Une amie me demandait la semaine dernière comment je trouvais la vie en Israël   et, par extension, les gens ici. Malgré des méninges à plein régime, mes capacités linguistiques m’ont seulement permis de prendre l’air inspiré pour finalement lâcher un vague :  « אנשים נחמדים», les gens sont sympas. La soirée continua, le sujet ne revint pas sur la table. La question restait pourtant en suspens. En quoi les israéliens, leur mentalité et leur comportement diffèrent des nôtres dans l’Hexagone ? Voici donc quelques une de leur facettes, qui, tour à tour,  nous surprennent, nous enchantent ou nous déroutent. De toute évidence, la vision délivrée ici n’est que partielle et subjective ; mais une fois en Israël peut-être en retrouverez vous quelques traits chez vos amis autochtones.

                La première surprise que nous réserve Israël est  assurément la douceur de l'existence. Les gens, ici, ont pour ainsi dire la joie de vivre aux lèvres. Ce serait-on trompé d’aéroport ?  Sacré contraste avec une représentation souvent négative, gavée d’images alarmistes que délivrent nos média sur ce pays. A cette douceur s’allie la vitalité qui anime la jeunesse israélienne, comme le pays entier - jeune lui aussi du reste. Les tensions qu'engendrent les conflits israélo-palestinien et israélo-arabe sont peu visibles. On sent au contraire, mais peut-être n'est-ce pas sans rapport, comme un empressement de vivre, d’être heureux et ensemble.

    Après quelques temps à vivre et travailler,  un autre trait s’impose : la facilité du contact, la simplicité des rapports qui prévalent ici et prennent le pas sur la politesse  guindée et vieille-Europe qui régit (encore) la plupart des relations sur le continent : professionnelle, de voisinage, et même parfois dans la fonte d’une amitié.  A Tel Aviv, semble-t-il, tout le monde connaît tout le monde. Un  chauffeur de l’ambassade connaît le bras droit de Bibi. Le patron de « Babait » connaît le colonel en chef de Tsahal. Et tout ce petit microcosme discute, pêle-mêle, à la terrasse des cafés et des restaurants en bord de mer. Cette atmosphère de mixité, d’égalité,  de mise en parenthèse du statut social dans les rapports,  persiste en Israël. Elle est propre aux États en formation, aux peuples en marche, et préside les époques de grands changements, où tout paraît possible.  Dès lors, la liberté dans l’échange est très forte dans ce pays. La franchise et la spontanéité israéliennes  concourent à cette simplicité des contacts. Dans la rue, sur la plage ou au travail, des gens inconnus s’interpellent à coup de ילדים  «iéladim », les enfants,  ou de חברים « haverim », les amis. Le langage amoureux est lui aussi à la fête. Les présentations d’usage sont pour le moins brèves, et l’on se donne bien vite des affectueux « iakara », « hamout », motek  ou même du  נשמה שלי "nachema", mon âme. (Enfin, là, vous êtes un peu achsim sur les bords..) Dans les milieux professionnels et académiques, rencontrer de hauts responsables ou des professeurs émérites, et partager avec eux une discussion autour d’un café  est quelque chose de facile et d’accessible à tous.  Bien sûr, cette atmosphère s’amenuise à mesure qu’Israël  avance. La relation des israéliens au pouvoir et à leur  gouvernement, s’est considérablement occidentalisée  ces dernières décennies. Mais la ressentir aujourd’hui encore nous rappelle en quoi Israël reste un pays en devenir, et qu’en ce sens, nous devenons en quelque sorte les acteurs aussi petits soient-ils, d'une histoire.
            
      Une dernière marque de la société israélienne m’a étonné. Ce fut, à vrai dire, une surprise à retardement. Elle réside dans l’importance attachée au fait d’être juif, ou plus précisément, que le nouvel arrivant soit juif.  Quelle anomalie à cela, me diriez-vous, dans l’ État juif ?  Certes, mais après avoir découvert cette société laïque, ouverte et chaleureuse, cette soudaine gravité commune à l'ensemble de ses membres a de quoi vous désorienter. On ne parle même pas ici des populations religieuses et de leurs opinions discriminatoires qu'elles parviennent parfois à ériger en loi  (le mariage religieux obligatoire en est un exemple). C'est un élément plus subtile que l'on retrouve à chaque strate sociale et auquel on s'assimile bientôt. De l'incompréhension à s’entendre poser à toute occasion la question, on en vient bientôt à la poser soi-même aux gens étrangers que l'on rencontre: Are you Jewish? Bien sûr, aucune animosité en cas de réponse négative ne vous sera démontrée, mais plutôt, une légère différence de ton, peut-être inconsciente, qui relève cet état d’esprit commun à l’ensemble des (juifs) israéliens: un juif en Israël est un frère qui revient. Il est d’ailleurs surprenant de constater que les israéliens ont beaucoup de mal à saisir le conflit intérieur que peut connaître un membre de la diaspora entre le fait d’être juif et celui d’appartenir à une nation, autre que celle du peuple juif.  Pour eux, un juif vient de France, du Royaume Uni ou d’Allemagne, mais n’est pas français, anglais ou allemand. La question suivant à celle du Jewish or not Jewish est d’ailleurs souvent exprimée en hébreux : Meain ata ? (ou avec la faute de grammaire courante mieifo ata ?). Cela veut dire d’où tu es ?, et appelle une réponse du type : de France. Ou en d’autres mots, mon pays d’origine, mon pays de départ est la France. Si vous êtes juif, la réponse אני צרפתי, ani tsarfati, je suis français, est hors contexte. Et hors contexte également la question des plans futures en Israël si vous ne l'êtes pas.