Une amie me demandait la semaine dernière comment je trouvais la vie en Israël et, par extension, les gens ici. Malgré des méninges à plein régime, mes capacités linguistiques m’ont seulement permis de prendre l’air inspiré pour finalement lâcher un vague : « אנשים נחמדים», les gens sont sympas. La soirée continua, le sujet ne revint pas sur la table. La question restait pourtant en suspens. En quoi les israéliens, leur mentalité et leur comportement diffèrent des nôtres dans l’Hexagone ? Voici donc quelques une de leur facettes, qui, tour à tour, nous surprennent, nous enchantent ou nous déroutent. De toute évidence, la vision délivrée ici n’est que partielle et subjective ; mais une fois en Israël peut-être en retrouverez vous quelques traits chez vos amis autochtones.
La première surprise que nous réserve Israël est assurément la douceur de l'existence. Les gens, ici, ont pour ainsi dire la joie de vivre aux lèvres. Ce serait-on trompé d’aéroport ? Sacré contraste avec une représentation souvent négative, gavée d’images alarmistes que délivrent nos média sur ce pays. A cette douceur s’allie la vitalité qui anime la jeunesse israélienne, comme le pays entier - jeune lui aussi du reste. Les tensions qu'engendrent les conflits israélo-palestinien et israélo-arabe sont peu visibles. On sent au contraire, mais peut-être n'est-ce pas sans rapport, comme un empressement de vivre, d’être heureux et ensemble.
Après quelques temps à vivre et travailler, un autre trait s’impose : la facilité du contact, la simplicité des rapports qui prévalent ici et prennent le pas sur la politesse guindée et vieille-Europe qui régit (encore) la plupart des relations sur le continent : professionnelle, de voisinage, et même parfois dans la fonte d’une amitié. A Tel Aviv, semble-t-il, tout le monde connaît tout le monde. Un chauffeur de l’ambassade connaît le bras droit de Bibi. Le patron de « Babait » connaît le colonel en chef de Tsahal. Et tout ce petit microcosme discute, pêle-mêle, à la terrasse des cafés et des restaurants en bord de mer. Cette atmosphère de mixité, d’égalité, de mise en parenthèse du statut social dans les rapports, persiste en Israël. Elle est propre aux États en formation, aux peuples en marche, et préside les époques de grands changements, où tout paraît possible. Dès lors, la liberté dans l’échange est très forte dans ce pays. La franchise et la spontanéité israéliennes concourent à cette simplicité des contacts. Dans la rue, sur la plage ou au travail, des gens inconnus s’interpellent à coup de ילדים «iéladim », les enfants, ou de חברים « haverim », les amis. Le langage amoureux est lui aussi à la fête. Les présentations d’usage sont pour le moins brèves, et l’on se donne bien vite des affectueux « iakara », « hamout », motek ou même du נשמה שלי "nachema", mon âme. (Enfin, là, vous êtes un peu achsim sur les bords..) Dans les milieux professionnels et académiques, rencontrer de hauts responsables ou des professeurs émérites, et partager avec eux une discussion autour d’un café est quelque chose de facile et d’accessible à tous. Bien sûr, cette atmosphère s’amenuise à mesure qu’Israël avance. La relation des israéliens au pouvoir et à leur gouvernement, s’est considérablement occidentalisée ces dernières décennies. Mais la ressentir aujourd’hui encore nous rappelle en quoi Israël reste un pays en devenir, et qu’en ce sens, nous devenons en quelque sorte les acteurs aussi petits soient-ils, d'une histoire.
Une dernière marque de la société israélienne m’a étonné. Ce fut, à vrai dire, une surprise à retardement. Elle réside dans l’importance attachée au fait d’être juif, ou plus précisément, que le nouvel arrivant soit juif. Quelle anomalie à cela, me diriez-vous, dans l’ État juif ? Certes, mais après avoir découvert cette société laïque, ouverte et chaleureuse, cette soudaine gravité commune à l'ensemble de ses membres a de quoi vous désorienter. On ne parle même pas ici des populations religieuses et de leurs opinions discriminatoires qu'elles parviennent parfois à ériger en loi (le mariage religieux obligatoire en est un exemple). C'est un élément plus subtile que l'on retrouve à chaque strate sociale et auquel on s'assimile bientôt. De l'incompréhension à s’entendre poser à toute occasion la question, on en vient bientôt à la poser soi-même aux gens étrangers que l'on rencontre: Are you Jewish? Bien sûr, aucune animosité en cas de réponse négative ne vous sera démontrée, mais plutôt, une légère différence de ton, peut-être inconsciente, qui relève cet état d’esprit commun à l’ensemble des (juifs) israéliens: un juif en Israël est un frère qui revient. Il est d’ailleurs surprenant de constater que les israéliens ont beaucoup de mal à saisir le conflit intérieur que peut connaître un membre de la diaspora entre le fait d’être juif et celui d’appartenir à une nation, autre que celle du peuple juif. Pour eux, un juif vient de France, du Royaume Uni ou d’Allemagne, mais n’est pas français, anglais ou allemand. La question suivant à celle du Jewish or not Jewish est d’ailleurs souvent exprimée en hébreux : Meain ata ? (ou avec la faute de grammaire courante mieifo ata ?). Cela veut dire d’où tu es ?, et appelle une réponse du type : de France. Ou en d’autres mots, mon pays d’origine, mon pays de départ est la France. Si vous êtes juif, la réponse אני צרפתי, ani tsarfati, je suis français, est hors contexte. Et hors contexte également la question des plans futures en Israël si vous ne l'êtes pas.
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