samedi 30 avril 2011

Fatah-Hamas: Comment comprendre la réaction israélienne?

(il est rappelé que ce blog relève de l'opinion personnelle)
La réaction  rapide et violente de "Bibi" (surnom donné à Binjamin Netanyahu par la presse israélienne) à l'annonce de la réconciliation prochaine du Hamas et du Fatah, a pris la forme d'un ultimatum cornélien posé à Mahmoud Abbas: " La paix avec Israël ou avec le Hamas." Il faut dire qu'il existe un fossé dans la considération du Hamas qu'ont les opinions israéliennes et européennes. La droite Israélienne, Liberman en tête (leader d'Israel Beytenou et actuel ministre des AE) ne cesse de répéter que le Hamas est une organisation terroriste infréquentable qui poursuit pour but la destruction d'Israël -objectif annoncé dans sa chartre-, alors qu' Ashton vient de louer cette union palestinienne que l'UE appelait depuis longtemps. Si l'Europe réprouve sévèrement l'utilisation du terrorisme par le Hamas contre Israël, elle ne le considère pas moins comme un parti incontournable dans le champs politique palestinien.
 

La première constatation est l'ambiguïté des rapports de forces entre Fatah et Hamas que sous-tend cet accord. Les intérêts qui commandent ce rapprochement, sont distincts pour les deux entités. Le Hamas est affaibli par le déséquilibre que connaît la Syrie, alors qu'en Égypte, le nouveau régime non-islamiste, bien qu'en bonne relation avec les frères musulmans, ne compense pas la perte de cet allié. Il redoute alors un possible enclavement dans la bande de Gaza. L'Autorité Palestinienne, quant à elle, cherche à pallier par cet accord son déficit de légitimité (le Hamas est soutenu par 15% de la population palestinienne), obéit à la volonté du peuple palestinien et démontre ses velléités à prendre les devants dans la formation d'un État, organisée à l'ONU en septembre prochain. A la lumière de ce constat il n'est pas évident de juger des conséquences éventuelles de la réconciliation Fatah-Hamas. Si l'on peut craindre la prise de pouvoir du Hamas dans la région de Cisjordanie, l'unité palestinienne peut être une occasion de reprendre l'initiative. "Ce qui importe est la paix, et non avec qui elle est faite" reconnaît d'ailleurs un penseur affilié à la droite israélienne. La nécessité d'un État palestinien est incontestable. Nombreuses sont les personnalités israéliennes des sphères politique et intellectuelle qui l'ont comprise et qui appelle à la création d'un État aux frontières de 67.

En ce sens, la réaction de Netanyahu est inquiétante car elle augure une politique vaine par avance: celle de contrecarrer les revendications palestiniennes sur la scène internationale en discréditant le gouvernement mixte qui les défendrait. Ce petit jeu mènerait tout droit à l'impasse. Car si Israël ne peut guère aujourd'hui enrayer la création de l'État Palestinien, son refus de participer à son processus renverrait dos à dos Palestiniens et Israéliens dans une situation similaire à celle de 48 après le partage du territoire.

Il reste tout de même un sujet inquiétant abordé par l'accord du Caire: la clause en matière d'activités sécuritaires jointes entre Hamas et Fatah. Son application nuirait gravement à la coordination sécuritaire entre l'AP et des FDI ( Forces de Défenses Israéliennes) qui a largement progressé ces dernières années en Cisjordanie, en dépit de la stagnation politique du processus de paix. Et si cette confiance se dégrade, il devient alors impossible pour l'opinion israélienne d'entériner la création d'un État palestinien.

Au final chacun connaît le tribut à payer en vue de la paix future : la fin des colonies pour Israël et la reconnaissance définitive d'Israël de la part des Palestiniens (Gageons qu'un mouvement massif du peuple aurait raison du refus obstiné du Hamas de toute négociation et reconnaissance). Mais une question reste, plus préoccupante encore: veut-on vraiment la paix?

lundi 25 avril 2011

Fragment de la Vieille Jérusalem

Penser à Jérusalem, c'est une kyrielle de mots que l'on invoque: Jésus, croisades, Palestiniens, David, Saint-sépulcre, Mahomet, Mur des lamentations, mais aussi conflit ou nouveau mur de la honte. Jérusalem est un mot-réceptacle où l'on dépose une foule de nos représentations ; elle est pour chacun une ville-symbole de nos convictions religieuses, politiques, mystiques ou humanistes. Oui mais voilà, si Jérusalem trouve existence d'une façon différente et unique en chacun de nous, elle existe aussi physiquement. Et la rencontre de ces deux Jérusalem, la première organique et respirant avec la seconde intime et aspirée, n'est pas toujours facile, car sujet à bien des décalages. Une amie m'a confié récemment son envie de pouvoir redécouvrir Jérusalem pour la première fois. Tout est là. C'est cette rencontre originelle et le choc de nos visions qui en résulte qui fait de Jérusalem une ville si précieuse, l'objet d'un pèlerinage religieux ou séculier pour le voyageur moderne. Avant de venir à Jérusalem, il est important de s'interroger sur ce qu'elle signifie pour nous, de mesurer nos attentes et nos espérances pour apprécier à une juste valeur les découvertes qu'elle nous réserve.

La vieille Jérusalem est un bouillonnement de vie. Dans les petites rues pavées défilent des processions religieuses colorées et retentissantes, venant de tout pays: ukrainiennes, camerounaises, arméniennes. (Il faut dire que nous sommes en pleine semaine de Pâques). Dans les cardos -les deux axes principaux de la vielle ville-, les touristes, popes, haredims, nonnes, marchands et habitants s'agglutinent les uns aux autres et marchent au pas. Au cœur des quartiers arabes- chrétien et musulman-, le dédale de rues s'apparentent à un souk géant. De tous côtés, on baragouine quelques mauvais mots d'anglais, en invitant le flâneur à regarder l'étalage de boutiques étriquées aux contenus stéréotypés. La Ville trois fois sainte n'échappe pas au règne du pognon, à l'image de ces enfants arabes criant "wonedolarrwonedolarr"avec dans les mains des petits coffrets d'huile sainte représentant Jésus sur la croix. Ici, la vie ne s'arrête pas et étouffe les vivants.

Il est ainsi impossible de ne pas se perdre à Jérusalem. La majorité des ruelles n'ont pas de nom, car faisant l'objet de polémique sans fin entre arabes et juifs, et l'on tourne interminablement dans ce géant escargot de pierre. On y oublie la notion de l'espace et du temps, enivré par les senteurs des épices et hypnotisé par le spectacle permanent. Mais la confusion des sens qui s'opère à Jérusalem, noyé dans la masse du Western Wall ou du Saint Sépulcre est peut-être un chemin nécessaire avant de se tourner vers ses indécisions intérieures.

La ville a beau être cosmopolite dans son ensemble, chaque quartier, chaque district est tenu et organisé par une communauté précise. Certes on peut croiser quelques juifs dans le quartier mahométan, ou quelques musulmans dans les rues arméniennes mais ils ne sont là qu'au titre de passants. Cette ségrégation spatiale est accentuée par l'omniprésence de la police et de l'armée que l'on rencontre toutes les trois ruelles. La circulation de la vielle ville fait l'objet d'une police changeante et incompréhensible; les uniformes avec l'aide de lourdes barrières faisant et défaisant le sens de circulation. A ces barrières, chacun se doit de justifier en quelques mots maladroits le pourquoi de son passage. Même aux heures calmes et ensoleillées, une armada de jeunes militaires, FM à l'épaule, se prélasse au pied des muraille et jette son ombre inquiétante sur les contours de la vielle-ville. Jérusalem, au mépris de son nom, ne connaît pas la quiétude. Dans ses rues fourmillantes, les mots qui reviennent aux oreilles sont pourtant Shalom et Salamalekoum, qui en en arabe comme en hébreux signifient la paix. Peut-on alors espérer qu'un jour, les hommes qui se font la guerre, se promettront une harmonie prochaine en se disant bonjour ?





lundi 18 avril 2011

Un Séder à Jérusalem. H'ag Sameah! חג שמח


Aujourd'hui c'est Pessa'h. Les magasins ferment dès midi, et l'on se souhaite à tous coins de rue de sempiternels H'ag Sameah : Bonnes fêtes! Dans les foyers, les maîtresses de maison préparent déjà le repas de la paque juive, afin de pouvoir faire le séder en famille le soir.

Je vous épargnerai ici une révision exaustive de la Haggadah ou des explications détaillées sur les divers symboles du Seder et vous propose plutôt une petite réflexion de ce qu'est Pessa'h aujourd'hui.

Pessa'h en Israël, c'est un peu Noël en France, le sapin en moins et le "maror" - les herbes amères- en plus. (Bien qu'on associe habituellement Noël à Hanouka à cause de la période). En tout cas, cela débute de la même manière: par des embouteillages monstres. Pessa'h se fête en famille, et on dirait que la moitié des actifs de Tel Aviv se rendent à Jérusalem chez leurs proches! On a sur la plage arrière, non pas foie gras ou bûche glacée, mais matzot et le plat traditionnel de fêve. 

Comme Noël, cette fête accorde une place privilégiée aux enfants. Durant le Seder, c'est un joyeux bordel. Chacun y va de sa petite voix pour lire un passage de la "Traversée", et on se lâche au moment des dix plaies, dont les noms sont époumonés gaiement par l'assemblée. Le Afikomon (le dessert) est rituellement confisqué par l'enfant qui le rend en échange de cadeaux. On discute alors, en dégustant gateaux et fruits tout en écoutant les chants traditionnels.

Résumons-nous: Pessa'h, c'est de gros embouteillages, une fête en famille, un conte issue de la mythologie religieuse, un bon repas, des chants affiliés au sujet, et l'occasion de plus en plus souvent saisie de s'offrir des cadeaux. Autrement dit Pessa'h c'est la version israélienne (encore sobre) de notre Noël sécularisé et ultra-commercial.

Tollé général ! Pessa'h séculaire, alors qu'on s'y remémore un épisode fondamental de l'Histoire des Juifs ?!   Mais justement. Dans un État religieux, placé sous "la bonne étoile" de David, n'est-il pas déjà remarquable que cette fête et son organisation ont été remises au crédit de la famille? Point de grande commémoration à la syna, comme à Kippour, ou de discours incontournable d'une quelconque autorité rabbinique: c'est dans l'espace confiné du foyer que se fête entièrement Pessa'h. Et c'est déjà énorme. On quitte là le domaine de la religion, de ce racolage actif de l'identité commune, pour entrer dans celui, bien plus nuancé, de la tradition. Pour les apprenti-visionnaires (je ne dis pas les apprenti-prophètes), on peut d'ailleurs penser qu'Israël perdra dans les années à venir de sa vigueur religieuse, de sa nécessité actuelle de religion, et qu'avec ce phénomène se poursuivra la sécularisation des grandes fêtes du calendrier juif.

samedi 9 avril 2011

Tel Aviv, ville promise


    Tel Aviv a l'esprit méditerranéen. On ne s'y sens pas vraiment dépaysé. On y retrouve un peu de Marseille, de Montpellier ou de Nice. Tout nous y indique de lâcher prise. De nous laisser aller à la brise et au son des vagues. La "Bulle" porte bien son nom. Les gens ont l'air d'être en vacances en pleine semaine. Sur la plage  les tac-tac se font échos, et sur les vagues, les sky-surfers s'en donnent déjà à cœur joie.  De toute évidence, la tension ici n'existe pas. "Akol Béséder", comme disent les israéliens. Tout va bien. Et cela en est presque étrange. Étrange cette plage où de jeunes corps se prélassent et que juxtapose une pierre commémorative et ses 21 noms gravés de jeunes femmes et hommes russes assassinés là, cinq ans plus tôt. Étranges les parcs où les familles arabes préparent au soleil couchant des barbecues géants, auprès d'un monument à la victoire juive. Étranges les troupeaux de jeunes filles de 20 ans à peine, en kaki, bottes et Rebbane, que l'on croise dans le bus ou devant le marchand de glace.

    Tel Aviv c'est une preuve vivante sans cesse renouvelée, que juifs et arabes peuvent parfaitement vivre ensemble. Sur ce terrain-là, une motion spéciale revient à Yaffo. La vieille ville est aujourd'hui le quartier véritablement mixe de Tel Aviv. Juifs et arabes vivent là côte à côte, jusqu'à partager un même patio. Les bus n'y fonctionnent pas lors de Sabbat, et le muezzin y chante cinq fois par jour.

    Tel Aviv surprend enfin. C'est une ville en mouvement, en construction. D'une rue à l'autre, c'est un monde occidental qu'on quitte, un monde oriental qu'on découvre. Une ville, dont chaque quartier est un petit monde aux senteurs, aux couleurs particulières, détachés les uns des autres. Quand on se promène dans certaines rues de Yaffo faites de terre et de gravier, le longs de maisons de l'époque mandatoire, de tas de gravats et de ruines, on a du mal à croire que deux kilomètres plus loin, cette rue débouche sur le Tel Aviv Center, avec ses tours et ses sièges d'entreprises nanotechnologiques, leaders mondiaux de leur secteur. Et puis il y a ces petites choses qui sont les premiers charmes d'une ville que l'on commence à peine à arpenter. Le marché Carmel et ses fraises vendues au kilo dans d'énormes barquettes en plastique, la communauté russe omniprésente, les loueurs de téfilines qui exhortent à la prière le vendredi soir aux alentours d'Allenbi, la librairie internationale et délabrée du 87 de la rue...

                              Tel Aviv regorge de promesses.

Motivations

Voilà une petite semaine, que je suis à Tel Aviv où je vais vivre ces cinq prochains mois. Venu ici avec l'envie de découvrir en profondeur Israël, sa société, ses particularités et ses clivages, j'entame ce blog en support à mon petit projet. Une occasion de donner des nouvelles et de partager mes impressions en toute simplicité.  Ces quelques mots écrits, je ne m'attarde pas plus longtemps sur le pourquoi de ce blog. Bonne lecture et Bienvenu en Israël!