jeudi 22 décembre 2011

L'israélien de naissance est-il juif?

I.
   On distingue dans la population israélienne ceux qui sont revenus en Eretz Israël au cours  des vagues successives d’alyah et les autochtones, nés en Israël, qu’on appelle les sabras (en hébreu les Tsabarim). Le chance d’être israélien et sabra dépend bien sûr de son histoire familiale, de sa génération et de la nationalité d’origine. Par exemple, comme la dernière alyah massive s’est produite dans les années 90-93 à la suite de la chute du régime soviétique, la probabilité qu’un cinquantenaire qui appartient à la communauté russe ne soit pas un sabra, est beaucoup plus élevé que parmi les communautés séfarades et ashkénazes d’Europe occidentale. Aujourd’hui au sein de la jeune génération (disons avec une moyenne d’âge de 25 ans), le cas répandu est celui de rencontrer des sabras dont les parents ou les grands parents ont fait alyah au siècle dernier.
   
    Ces jeunes israéliens, sabras donc, n’ont pas grand chose à voir avec la vision du juif qu’on pouvait avoir dans le monde occidental du XXème siècle, et qu’on garde sûrement en partie. Comme nous allons le voir, on pourrait pousser l’audace jusqu’à dire que leurs modèles et leurs archétypes se sont précisément construits en opposition à cette image du juif européen doublement entravé, par un carcan physique d’abord, résidant du ghetto ou du shtelt (bien qu’il s’agisse là de deux mondes très différents), un carcan spirituel ensuite, qui est l’esprit de la galout (la vie dans l’exil).

    L’image du sabra a pour première caractéristique celle d’un homme fort, qui se dévoue tour à tour au kibboutz et à l’armée, deux mondes où le physique est une dimension centrale. Cette idée de puissance physique est directement opposée à la définition du juif européen du ghetto caractérisé en premier lieu par son intellect et  dont on a tous en tête la représentation chétive et malingre. Cet archétype du sabra s’est imposé dans les diverses relations humaines : amoureuses d’abord ; les femmes israéliennes sont pour la plupart clairement attirées vers des hommes à la masculinité prononcée, - un israélien venu de France, volontaire  dans un kibbutz dans les années 60,  avait déjà constaté ce goût féminin particulier et les tracas pour les jeunes français volontaires qui en découlaient- , sociales ensuite, le contact en Israël est franc (j’ai déjà pu en toucher deux mots dans cette colonne) et dénué de toute politesse, rude dans un certains sens. La version extrême -pour ne pas dire dégénéré - de cet archétype est d’ailleurs le “achs”. Les achsim sont ces jeunes israéliens qui en été envahissent les plages, bandent les muscles, sourient bêtement et draguent tout ce qui se porte un maillot deux pièces. Certes dans certains milieux l’appellation de achs possède une connotation clairement négative mais leur profilération dans les couches populaires dénote de l’attachement au culte de la masculinité, valeur première du sabra.

    En second lieu, un deuxième caractéristique du sabra, moins perceptible aux premiers abords, est celle de son conditionnement au destin national, à sa conscience précoce que ses actions, ses devoirs sont dirigées vers le futur- c’est d’ailleurs pourquoi je pense que l’on peut trouver chez les jeunes israéliens cette maturité particulière, absente chez les jeunes générations d’autres nations- .  Après tout les deux écoles de vie du sabra sont le kibboutz et l’armée (cette dernière ayant pris le pas sur le premier) qui ne sont rien d’autre que la construction et à la défense du pays. Difficile de faire mieux comme axe de formation et de perspectives des jeunes esprits. De toute évidence, cette caractéristique du sabra s’oppose à l’esprit de la galout, que ressentait et ressent peut-être encore la plupart des juifs de la diaspora: le sentiment d’une vie provisoire, de l’absence de repère et de destination dans les actions qu’ils entreprennent. Au début du XX, les grands penseurs juifs relevaient déjà ce trait ancré dans leur peuple ; Nordau utilisait par exemple une image pour illustrer cet état d'incertitude, de laisse-faire, caractéristique de la représentation du juif de la galout. Pour le juif, disait il, il ne suffit pas que des nuages sombres se profilent à l’horizon pour acheter un parapluie, il attendra d’être trempé et d’avoir une pneumonie. Le juif, dans la vision traditionnelle, n’apprends pas par le raisonnement mais  par les catastrophes qu’il subit.

   On peut se poser la question d’où provient l’image du sabra? Qui l’a construite? La réponse n’est pas difficile: les penseurs et écrivains sionistes. On peut d’ailleurs remarqué que les deux grands courants du sionisme, le premier relié au socialisme, au manette de l’Organisation Sioniste dans les années d’édification de l’Etat d’Israël et le courant révisionniste, agissant dans la N.O.S s’entendent largement sur ce point: la nécessité de changer chez le juif sa mentalité et du même coup sa capacité de réaction en vue de la création de l’Etat d’Israël. Dans le premier courant, celui de Ben Gurion, cela passe par la lutte des classes, et l’édification de l’homme nouveau, dans le second par la création pragmatique d’une Légion juive, pour mettre un terme au mal juif de “réfléchir sans agir”. (Je ne m’attarde pas aujourd’hui sur l’histoire du sionisme) Paradoxalement, ces hommes, théoriciens ou leaders de la cause sionistes étaient des juifs de la galout. La création par leur soin de l’image du juif acteur et conquérant en étroite opposition de leur milieu d’enfance ou de jeunesse n’est pas anodine: elle s’inscrit dans un rejet de ce qu’était à l’époque le juif de la diaspora. Pour créer Israël, il fallait d’abord se défaire de ce qui caractérisait le juif dans sa condition d’exilé. Il est cependant à remarquer que le concept du sabra a largement évolué depuis ses premiers balbutiements ; l’homme juif nouveau que ses inventeurs ont du rêver comme le parfait équilibre entre le corps, l’intellect, un homme de chair, de muscle et d’esprit, a dérivé jusqu’au sabra que l’on connaît aujourd’hui, largement désintellectualisé. (On pourrait s’interroger si la détérioration intellectuelle dans la société israélienne au cours de ces dernières décennies est reliée à celle des autres sociétés ou au contraire, connaît des mécaniques qui lui sont propres).

II.
    Après ce tableau rapide et sûrement trop shématique du sabra, comme antithèse du juif de la diaspora, j’aimerais discuter avec vous de ce qui apparaître être un de ses corollaires: les relations, ou plutôt, la difficulté des relations entre société laïque israélienne et juifs ultra orthodoxes. Ceux-ci  composent 10% de la population israélienne et sont regroupés dans une  communauté  très fermée, difficile  à appréhender, -qui mériteraient que je vous en parle de manière plus approfondie-. Les tensions entre ultra religieux et sphère laïque sont monnaie courante: les tentatives de ségrégations sexuelles dans des bus publics, les pressions sur les magasins pour qu’ils respectent le shabbat, la détérioration de panneaux publicitaires aux modèles féminins constituent une part non négligeable des faits de société dans les journaux israéliens. On dit les israéliens fatigués, voir excédés, des exactions de cette communauté et inquiets de leur forte croissance démographique. On avance l’argument économique pour expliquer les tensions: la plupart des ultra-orthodoxes, surtout les hommes, ne travaillant pas, leur survie dépend des aides de l’Etat, payées par le contribuable israélien. Au fil des années, alors que le poids démographique de la communauté ulra-orthodoxe grandit, il en va de même pour cette ardoise de tsédaka (charité) imposée. D’où, selon les analystes, grogne et mécontentement des israéliens envers les ultra-orthodoxes.

    On peut cependant envisager que la nature du mal-aise entre la communauté ultra-orthodoxe et le reste de la société israélienne est plus fondamentale qu'un ressenti pécuniaire: cette communauté constitue dans un sens la persistance du juif du ghetto au pays des sabras, la résistance de cet esprit de la galout en Eretz Israël même. (A ceux qui objecterons que les jeunes ultra-orthodoxes sont pour la plupart eux aussi sabra alors qu’à l’évidence ils ne remplissent pas les critères que j’ai brossés un peu plus haut, on peut répondre qu’ils ne sont pas sabra puisque la plus grande partie de la communauté ne reconnaît pas la République Israélienne comme Eretz Israël, ce dernier devant selon la croyance être créé par le Messie). Plusieurs considérations pour étayer cette idée ; les ultra-orthodoxes ont pour ainsi dire reformer le guetto en créant des quartiers communautaires (le plus connut d’entre eux est Méah’Sharim à Jérusalem). Le jeune ultra-orthodoxe est allergique à toute culture physique, exempté de l’armée (à l’exception de quelques rares volontaires, que le gouvernement cherchent à promouvoir dans des bataillons spéciales d’hassidim, rattachés à Tsahal). La communauté refuse tout principe de modernité, toute prospection future et vit semaine après semaine selon le rythme du calendrier religieux régi par les fêtes. Les styles vestimentaires strictement respectés par ses membres proviennent des anciennes communautés juives d’Europe. Bref, on aura compris l’évidence : la communauté ultra-orthodoxe s’apparente à une espèce de formole où se sont figés les moeurs, l’état d’esprit des juifs de la diaspora des siècles passés. Ce que l’on peut penser, c’est que l’inconfort des autres israéliens devant les membres de cette communauté résident dans cette idée là: ils les considèrent comme des ancêtres indésirables, dont en temps normal, on cacherait le portrait au fond d’un tiroir, mais qui présentent l’inconvénient d’être vivants. Voilà peut-être ce qu’est l’ultra-orthodoxe pour le sabra, sans que celui-ci ne puisse se le formuler:  le vivant et intolérable rappel des traits du peuple juif au cours de la galout et dont lui, sabra, est l’exacte négation.

jeudi 13 octobre 2011

Quand le Hamas et Israël s'entendent

     La une des journaux en Israël est entièrement occupée par la prochaine libération de Gilad Shalit et de 1027 prisonniers palestiniens, après l'accord passé entre le gouvernement hébreu et le Hamas. En Israël et en Palestine, on se tient prêt à se réjouir, pas des mêmes choses bien sûr. Reste que la réaction des médias français et des commentateurs en tout genre est inquiétante. Outre l'erreur du Monde sur le nombre des palestiniens concernés par l'échange, l'analyse au lance pierre sur la réussite inopinée de la transaction, et les habituelles remarques purement antisémites et hors sujet, on a en règle générale aucun détail dans nos médias (version informatique) sur le récent accord et la discussion qu'il a nécessité, rien sur ses protagonistes (pourtant nombreux), à peine plus sur ses clauses et sa mise en oeuvre dans les prochains jours. Retour donc, avec objectivité (si tenté que cela soit possible), sur les déterminants du dernier (espérons-le) volet de l'affaire Shalit.

    La scène d'abord. Au Caire, table de discussion entre les représentants du Hamas (qu'on ne présente plus),  David Meidan, envoyé de Netanhayou et le Shin Bet, les services de Sécurité Générale israéliens. cette dualité du côté israélien a son importance: Meidan est parle au nom du gouvernement, il sait ce à quoi est prêt celui-ci pour obtenir gain de cause, quelles sont ses "red lines" et les points à valoriser dans la négociation. Shin Bet, représentée par son directeur Yoram Cohen, fournit l'information quant aux palestiniens concernés par l'accord. Son rôle est éminent stratégique, Y. Cohen prenant d'ailleurs la liberté de donner clairement  son avis sur le bien ou le mal fondé de la décision. Troisième opérateur israélien, les IDF, chargées de la mise en oeuvre de l'accord sur le terrain, autrement dit, de la récupération de Shalit auprès des autorités égyptiennes, et de la remise en liberté des détenus. Enfin le médiateur, en premier lieu l'Egypte, très active dans le nombre de propositions visant à franchir le gap restant entre les deux camps, et la délégation allemande dans une moindre mesure.

    L'accord ensuite. Rien que1027 palestiniens pour un juif israélien. En plus de ce déséquilibre du nombre, Israël a du faire deux autres concessions, qui faisaient partie de ses red lines jusqu'à récemment: libérer des arabes israéliens ainsi que certains détenus, anciens organisateurs d'actes terroristes, (faisant partie à ce titre de la liste des 125 des "non négociables"). Israël a cependant obtenu du Hamas une importante concession en échange: le non retour de la plupart de ces détenus en Cisjordanie mais expulsés vers Gaza ou vers l'étranger. C'est pourquoi l'accord paraît aux yeux de nombreux protagonistes du camps israélien, comme très acceptable, voir comme la meilleure opportunité obtenue depuis le début des négociations. Enfin, signalons qu'en vertu de la loi israélienne, l'accord doit être au préalable accepté par la société israélienne, puisque que chaque israélien dispose du droit de saisir la Cour Suprême contre sa mise en œuvre.


    L'analyse enfin. Chacun se gargarise de trouver des raisons évidemment politiques et sournoises, faisant Netanyahu digne de  Machiavel,  pour expliquer cet accord. On évoque un gouvernement israélien mis en difficulté par la "rue israélienne" à la recherche d'un regain de popularité, ou encore plus alléchant, la volonté d'Israël en concluant ce marché avec le Hamas d'affaiblir le Fatah d'Abu Mazen afin de miner sa démarche à l'ONU. Sans contester la pertinence de ces éléments, qui restent néanmoins discutables,  il me semble qu'on oublie à quelle point la dimension sentimentale est primordiale : Shalit est en captivité depuis plus de cinq ans (du jamais vu pour un prisonnier israélien détenu par le Hamas), on ne peut pas se promener dans une ville en Israël, sans rencontrer un portrait géant de lui, une affiche sur les murs, ou un tag sur un pylône avec comme toute légende free shalit ; sa famille ont dressé une tente de protestation en plein centre de Jérusalem, non loin de la residence du PM, dont la fréquentation n'a cessé de croitre au fil des mois. Cette libération était attendue d'une manière très forte par la société israélienne, Netanyahu n'avait peut-être pas le pouvoir et la marge de manoeuvre qu'on lui imputait dans cette affaire.

      Retour  en dernier lieu sur les éléments politiques évoqués précédemment.Pour penser que cet accord est une manoeuvre délibérée d'Israël pour mettre en difficulté Abbas, faut-il encore s'interroger sur l'intérêt d'Israël de voir le Hamas plus fort au détriment du Fatah, au risque même de le voir supplanter ce dernier  en Cisjordanie. Je vous dis franchement mon avis : Israël n'a aucun intérêt à cela. Des petits malins diront que si, car cela mettait fin à toute velléités de paix, que l'Etat sioniste se refuse bien sûr à concrétiser.  Je pense le contraire d'abord parce que la procédure à l'ONU, malgré tout ce qu'on écrit dessus, ne représente aucun danger direct et de court terme pour Israël. Ensuite, car sans même discuter de la volonté réelle d'Israël à faire ou ne pas faire la paix, on ne peut pas raisonnablement penser qu'Israël gagnerait à la fin de la coordination des politiques sécuritaires et économique avec l'Autorité Palestinienne au sein des territoires occupés, la montée des violences dans ces zones, et l'exposition accrue au terrorisme provenant de Cisjordanie, ces trois dernières propositions étant les conséquences probables d'une hypothétique prise de pouvoir du Hamas en Cisjordanie.

Que conclure? Restons prudent, bien sûr. On connaît mal d'abord l'ensemble des dimensions d'un tel accord, qui reste à être finalisé. L'accord a un double mérite: satisfaire l'attente angoissée de toute une société, améliorer le sort de palestiniens, sans augmenter de manière significative la menace terroriste pesant sur Israël.  Qu'on y réfléchisse avant de le dénoncer à grands cris. (NB: Nous n'avons pas discuter des raisons d'Israël de garder en captivité de nombreux palestiniens, souvent au mépris de la plus élémentaire justice. C'est un sujet, peu reluisant pour Israël, sur lequel il s'agit quand même de s'informer de manière réfléchie avant de porter toute opinion hâtive).













dimanche 9 octobre 2011

Yom Kippour, Tsom Kal ou bonne balade.

Hier à six heures résonnait le Shofar pour signaler la fin du Tsom, le jeûne en ce jour de Yom Kippour. Retour sur ces 25 heures assez spéciales en Israël, faites de privations et de...promenades à bicyclette.

Yom Kippour, comme chacun sait, c'est le jour du Grand Pardon devant être entièrement consacrer à la contrition afin d'expier ses fautes. Outre les cinq interdictions, - ne pas se laver, ne pas se frictionner le corps, ne pas porter de chaussures en cuir, ne pas manger ni boire, et ne pas s'aimer -, on passe sa journée à prier et lire les psaumes, en autre le Livre de Jonas, dont l'histoire est éloquente pour le thème du jour. Mais ce délicieux emploi du temps ne concerne qu'une partie de la population juive israélienne.

Car aujourd'hui, Yom Kippour, c'est un peu la fête du vélo pour la population séculaire. Aucune voiture ne roulant pendant toute la durée du Tsom dans les villes comme sur les autoroutes, c'est l'occasion rêvée d'aller essayer son nouveau VTT dans Nevet Tsedek ou se prendre pour Niv Libner sur la route de Haifa. Et si on est pas un fan de deux roues, on profite toujours du calme citadin, inexistant à Tel Aviv les 364 autres jours de l'année, pour se promener en famille. Les vieux installent leur table de Shesh Besh au beau milieu des carrefours et la veille, les enfants sont autorisés à jouer dans les rues jusqu'à une heure avancée de la nuit.

Alors, entre le cycliste et le pécheur en repentance, certains cherchent à trouver un juste milieu. Sans passer toute la journée à la syna, ils décident de se priver de nourriture, peut-être afin de ressentir eux aussi l'esprit de Kippour. Au final, c'est à chacun de choisir son attitude, son implication dans le jour saint. Une affaire de choix personnel donc ? Pas si sûr. Car en Israël, à chaque évènement du calendrier religieux, se pose de savoir à quel point l'État organise et règlemente la vie économique et sociale périphérique à la fête religieuse. Si à Yom Kippour, l'absence de trafic est entièrement due à la tradition et ne repose sur aucun décret (on rencontre d'ailleurs des voitures en circulation à Yaffo), on peut s'étonner en revanche de la loi obligeant les commerces et les restaurants à fermer. Israël se proclame comme l'État juif, mais à l'image d'une grand part de sa population, juive et détachée de la religion, savoir si l'État est religieux ou laïc reste ambigüe.



vendredi 7 octobre 2011

Reprise du blog, ! שנה טובה

C'est avec beaucoup de retard que je vous souhaite la Shana Tova! Une année 5772 que je vous souhaite pleine de réussite, de découvertes et de joie surtout. De nouveau en Israël pour quatre autres mois, je reprends ce petit blog sur la Terre Promise, sa société et ses contradictions. Et si je ne vous promets quant à moi ni la lune ni même une petite bande de terre à l'est de la Méditerranée, je vous garantis tout de même un programme chargé. Sujets à aborder parmi d'autres:
● Politique ; avec la poursuite des efforts pour la reconnaissance d'un état palestinien et la reprise des négociations.
● Social ; retour sur les revendications de l'été israélien et leur impact.
● Sociétal ; un petit tour à prévoir du côté des communautés ultra-orthodoxe et arabe. 
● Religion ;  de quoi découvrir entre Yom Kippour, Soukkot ou Hanouka.
● Culturel ;  si ce n'est pas déjà fait, il est tant pour vous de vous ouvrir à la musique israélienne.

Voilà, en espérant vous retrouver très vite sur ces pages ou à travers un de vos commentaires (dithyrambiques, cela va de soit) ; bon vent et bonne lecture. 

 

dimanche 14 août 2011

Les petits riens à Tel Aviv_3 : Shouk et français ne font pas bon marché!

       En août, Tel Aviv est investie par les français. C'est bien simple, ils sont partout. Qu'ils déambulent sur la croisette, pullulent sur la plage ou mandibulent aux terrasses des restaurants, on ne voit qu'eux, et encore plus gênant, on n'entend qu'eux. Deviner le "juif parisien", à ses expressions désabusées ou aux mœurs vestimentaires frivoles, devient alors le jeu à la mode -et légèrement antisémite- pratiqué à la pause déjeuner ou lors des sorties nocturnes.

      Même le Shouk Hacarmel, l'endroit israélien par excellence, le saint des saints de Tel Aviv est envahi! Certes on y entend toujours les vociférations des marchands de fruits et légumes (Shéva bééser!! Shévaaa bééser!! yallah !), on y contemple encore les étalages d'épices, de gâteaux arabes ou les devantures des fromageries. Mais l'atmosphère est désormais lourde de bleu-blanc-rouge: on croise une bonne douzaine de compatriotes au mètre carré. Au mieux, ils cherchent à se fondre dans le décor à coup de kama zé holé, à l'accent prononcé ; au pire, ils ne font aucun effort et là ça donne du: "Maman, maman, attends moi, j'ai vu des tee-shirts trop pas chers!! File-moi 50 shekels, allez, steup-plaît", du "Allo t'es où? Nous au marché, ouais ouais c'est good mais c'est complètement bliiiindé.." du "On fait quoi ce soir? Chais pas j'suis crevé", ou du " Je kiffe le shouk" (la dernière phrase fait état d'un esprit à mi-chemin dans la typologie précédemment dressée, à savoir le français qui réinvestit son vocabulaire hébreux à la sauce francophone).

       Outre la perte d'exotisme qu'il engendre, ce cadre hexagonal imposé présente d'autres inconvénients.1.Une montée générale des prix , certes logique pour la pleine saison, mais surement stimulée par la frénésie du porte-monnaie de nos amis gaulois. 2. Une réduction considérable de la marge de négociation. Que vous la preniez ou pas, il la vendra cette casquette! 3. Une inclination croissante du vendeur israélien à vous entuber aux instants stratégiques de vos emplettes: à l'annonce du prix, de la pesée, et même à la remise de la monnaie. Il faut alors sortir les dents, bander les muscles, et débiter votre hébreux le plus pur afin d'épater le commerçant, et sauver quelques maigres agourot. A ce rythme, acheter trois légumes devient vite un sport éreintant et c'est kol kar épuisé que vous sortez du shouk, en maudissant ces maudits franç... et zut, c'est vrai que vous en êtes un également.
 



















samedi 6 août 2011

Le printemps en Israël ?


En Israël le mouvement de protestation se poursuit et prend de l'ampleur. Une manifestation hebdomadaire a lieu chaque samedi soir, depuis trois semaines. Aujourd'hui, elle rassemblait 300.000 personnes, plus du double de la semaine dernière. Est-il alors approprié de parler de printemps israélien ? Déjà les analystes se plaisent à joindre ce qui se passe en Israël aux bouleversements des pays arabes de la région. Certes, quelques-uns vous diront que toute comparaison est hors de propos: les évènements en Israël se déroulent de manière non-violente et n'ont pas (encore) fait de victimes. Surtout, les revendications sont d'ordre économique et ne prétendent pas au renversement d'un système autoritaire. Et oui, malgré les nombreux défauts qu'on peut lui alléguer, on doit bien admettre qu'Israël est (encore_bis) une démocratie. Pas de tank donc à Tel Aviv, mais le blocage aux voitures, organisé par la police, des principales artères empruntées par le cortège.

Printemps arabe et manifestations israéliennes, rien à voir donc? Pas si sûr. Les revendications, s'il est vrai qu'elles ont pour origine un sursaut purement économique dépasse aujourd'hui de simples demandes sur le pouvoir d'achat. Le mot d'ordre de ces derniers jours parmi les protestants, celui scandé dans les cortèges n'est pas moins que Justice sociale, we want social justice. Le champs des revendications s'est d'ailleurs étendu: ce qui a commencé par le prix du cottage et de l'immobilier atteint les domaines de l'éducation, des childcares, la question des subventions accordées aux orthodoxes, l'appartenance de la terre, etc.. Cette demande de justice sociale va main dans la main avec un esprit idéaliste proche de celui des premiers kibboutzim. Dans la « communauté des tentes » sont ainsi proposés divers services gratuits comme la coupe de cheveux, la pause café, ou le déjeuner. En son sein, on s'appelle déjà la nouvelle génération en marche, on enjoint l'ensemble de la société à la rejoindre. La société israélienne est d'une manière générale admirative et solidaire de la lutte engagée par ses jeunes, à l'image du nostalgique écrivain Amoz Oz, qui en appelle aux israéliens des années 50, les faiseurs d'un Etat. C'est, d'après lui, cette unité perdue, que quête avec courage et sagacité la jeunesse israélienne aujourd'hui.

En ce sens, on peut penser – espérer ?- que printemps arabe et récent bouleversement de la société israélienne partagent un point commun criant et crucial: ils sont tout les deux les appels pressants à un renouveau. Des événements d'une même essence, donc, ce qui, dans une certaine mesure, est une bonne nouvelle. Cela signifie qu'Israël est un acteur du Moyen-Orient à part entière et (presque) normalisé, étant à la fois l'objet et l'instigateur d'influences auprès des autres pays de la zone.

mardi 26 juillet 2011

Rothschild vs. Sdérot Haoélim !

L'avenue Rothschild, véritable cardo de Tel aviv, réputée pour ses arbres, son calme, ses cafés, la bima (le centre culturel de la ville), et le prix de son mètre carré, fait l'objet d'une invasion peu commune: une forêt de tentes a poussé sur tout son long! Tout a commencé il y a environ dix jours, avec la proposition de la jeune Daphni Leed, lancée sur facebook, en protestation contre le prix (délirant) de l'immobilier  israélien. A titre d'exemple les prix de location et de vente à Tel aviv sont comparables aux prix parisiens, pour un salaire moyen environ 1,5 moins élevé. Expliquer la récente explosion des prix sur le marché israélien (+ 16% par an depuis 2007) est de toute évidence complexe. Certes, la conjecture macroéconomique d'après-crise explique en partie le phénomène : -en deux mots-, une baisse du taux d'intérêt, conduisant les investisseurs à placer dans la pierre, avec effet boule de neige, quand les spéculateurs s'y mettent aussi.  Mais, il est également vrai que la passivité du gouvernement quant à la chape de plomb bureaucratique qui pèse sur le secteur du bâtiment et ses refus constants à financer des affordable housing programs ne sont pas étrangers à cette envolée des prix.

Quoi qu'il en soit,  les שדריות האהלים, les rues des tentes, se sont bientôt imposées dans toutes les grandes villes du pays, et leurs habitants comptent tenir bon jusqu'à une réponse adéquate du gouvernement. La rue des tentes rassemble une population assez hétéroclite, du baba-cool anarchiste avec ses 4 bergers allemands au jeune cadre marié et aux aspirations d'accès à la propriété en berne. Les protestations s'expriment alors de multiples manières: on a le prosaïque אני כאן  כי אין בְּרִירָה , là parce que pas le choix, le pince-sans-rire קוראות בתלוש, on appelle ça être en slip, le concis דירה + שלטון = אסוך, appart+ législation = d'la merde ou le peace-and-love רוצים הרמוניה לא הגמיניה, on veut l'harmonie et non l'hégémonie.

Le gouvernement, lui, semble vouloir gérer le phénomène avant qu'il ne "dégénère" en véritable crise sociale. Bibi a invité les manifestants à une table ronde et  a déjà annoncé la construction de 10.000 logements spécialement destinés aux étudiants et jeunes couples dont la moitié sera mise en vente, et l'autre louée et gérée par l'État. Toutefois ce programme semble peu ambitieux face à un déficit logement, évalué entre 80.000 et 120.000. Et dans tout les cas, le laps de temps à la réalisation de ces logements peut laisser penser que la baisse des prix ne sera pas immédiate.

Ce mouvement social fait bien sûr écho au phénomène du boycott du cottage, débuté en juin.D'aucuns disent déjà que l'heure du changement est venue. Ils se félicitent d'une révolution sociale en marche et prédisent sous peu la propagation de ces mouvements à l'ensemble des sujets de société, du coût de transports, au régime des retraites, en passant par les conditions du travail. On appelle d'ailleurs sur facebook à une grève générale dans tout le pays pour le 1er août.  On a le droit cependant d'être plus sceptique. Car ces protestations attaquent la partie immergée de l'iceberg: elles s'en prennent à la perte du pouvoir d'achat pour les 4/5 de la population au profit du dernier cinquième, conséquence des politiques ultra- libérales menées par le likoud sur la dernière décennie, et non pas à ces politiques elles-même, et au système qu'elles ont fondu. Malgré ce que peuvent dire certaines affiches, elles ne sont pas le cri des nouveaux esclaves, mais des nouveaux pauvres. Leur seule origine est un mal-aise dans la capacité à acheter, leur unique champs d'action est celui du consommateur. On peut craindre alors qu'après quelques miettes lâchées par le gouvernement, les protestations s'essoufflent et s'évanouissent aussi vite quelles sont apparues.

Quoi qu'il en soit,  les שדריות האהלים, les rues des tentes, se sont bientôt imposées dans toutes les grandes villes du pays, et leurs habitants comptent tenir bon jusqu'à une réponse adéquate du gouvernement. La rue des tentes rassemble une population assez hétéroclite, du baba-cool anarchiste avec ses 4 bergers allemands au jeune cadre marié et aux aspirations d'accès à la propriété en berne. Les protestations s'expriment alors de multiples manières: on a le prosaïque אני כאן  כי אין בְּרִירָה , là parce que pas le choix, le pince-sans-rire קוראות בתלוש, on appelle ça être en slip, le concis דירה + שלטון = אסוך, appart+ législation = d'la merde ou le peace-and-love רוצים הרמוניה לא הגמיניה, on veut l'harmonie et non l'hégémonie.

Le gouvernement, lui, semble vouloir gérer le phénomène avant qu'il ne "dégénère" en véritable crise sociale. Bibi a invité les manifestants à une table ronde et  a déjà annoncé la construction de 10.000 logements spécialement destinés aux étudiants et jeunes couples dont la moitié sera mise en vente, et l'autre louée et gérée par l'État. Toutefois ce programme semble peu ambitieux face à un déficit logement, évalué entre 80.000 et 120.000. Et dans tout les cas, le laps de temps à la réalisation de ces logements peut laisser penser que la baisse des prix ne sera pas immédiate.

Ce mouvement social fait bien sûr écho au phénomène du boycott du cottage, débuté en juin.D'aucuns disent déjà que l'heure du changement est venue. Ils se félicitent d'une révolution sociale en marche et prédisent sous peu la propagation de ces mouvements à l'ensemble des sujets de société, du coût de transports, au régime des retraites, en passant par les conditions du travail. On appelle d'ailleurs sur facebook à une grève générale dans tout le pays pour le 1er août.  On a le droit cependant d'être plus sceptique. Car ces protestations attaquent la partie immergée de l'iceberg: elles s'en prennent à la perte du pouvoir d'achat pour les 4/5 de la population au profit du dernier cinquième, conséquence des politiques ultra- libérales menées par le likoud sur la dernière décennie, et non pas à ces politiques elles-même, et au système qu'elles ont fondu. Malgré ce que peuvent dire certaines affiches, elles ne sont pas le cri des nouveaux esclaves, mais des nouveaux pauvres. Leur seule origine est un mal-aise dans la capacité à acheter, leur unique champs d'action est celui du consommateur. On peut craindre alors qu'après quelques miettes lâchées par le gouvernement, les protestations s'essoufflent et s'évanouissent aussi vite quelles sont apparues.

dimanche 24 juillet 2011

Les petits riens à Tel Aviv_2

    Que l'on soit sensible ou non aux charmes des tel-avivoises, une évidence saute à tous les yeux : Tel aviv abrite une véritable institution du tatouage! A croire que se faire marquer la peau est un rite de passage à l'âge adulte, qui se ferait quelque part entre Tsahal et le début des études. On en trouve de tous types, toutes formes, tous styles: tribal, polynésien, gothique ; bien que les old et new schools ont la préférence du public féminin. Sur ces corps sveltes et bronzés,  il  y a ceux que l'on voit, et puis ceux que l'on devine, à moins d'être plus entreprenants. Nullement besoin cependant de forcer vos talents de séduction auprès des 100.000 jeunes femmes de Tel Aviv ; il suffit de commencer vos investigations sur la plage pour bientôt avoir une bonne idée du sujet et de l'engouement qu'il suscite chez la jeune population israélienne.

    Les Tel-avivois aiment les tatous ; et alors me diriez-vous? Pas de quoi injecter un post, -toutefois nullement indélébile-, dans un blog? C'est qu'il me reste à vous aiguiller sur une information quelque peu insolite aux regards des dernières considérations : la prohibition des cimetières juifs à toute personne tatouée. Peut-être pensez-vous comme moi. Cela risque de poser de sacrés problèmes en 2060, lorsque qu'il s'agira d'enterrer papi ou mamie qui, ô stupeur, aborde un diable ricanant, Marie Poppins, ou  "Fuck God", sur l'avant-bras, l'omoplate ou le haut des fesses (ridées, cela va de soi). Alors que reste-il? La fosse commune, le cimetière goy, la mer Méditerranée? Être un paria pour l'éternité, à cause d'une petite folie de jeunesse, un peu sévère, non?  Heureusement, à toute religion, sa solution : il suffira de prévoir le coup en veillant à se faire enlever de manière posthume l'objet du délit. (Notez ici cette profession plein d'avenir en Israël, le croquemort détatoueur) C'est un peu comme les indulgences chez le catholique, le hajj tardif chez le musulman, le temple votif chez le patricien romain, ou encore ; comme regagner le giron des bons croyants après une vie affranchie de toute contrainte religieuse.

mardi 19 juillet 2011

Facettes israéliennes

               Une amie me demandait la semaine dernière comment je trouvais la vie en Israël   et, par extension, les gens ici. Malgré des méninges à plein régime, mes capacités linguistiques m’ont seulement permis de prendre l’air inspiré pour finalement lâcher un vague :  « אנשים נחמדים», les gens sont sympas. La soirée continua, le sujet ne revint pas sur la table. La question restait pourtant en suspens. En quoi les israéliens, leur mentalité et leur comportement diffèrent des nôtres dans l’Hexagone ? Voici donc quelques une de leur facettes, qui, tour à tour,  nous surprennent, nous enchantent ou nous déroutent. De toute évidence, la vision délivrée ici n’est que partielle et subjective ; mais une fois en Israël peut-être en retrouverez vous quelques traits chez vos amis autochtones.

                La première surprise que nous réserve Israël est  assurément la douceur de l'existence. Les gens, ici, ont pour ainsi dire la joie de vivre aux lèvres. Ce serait-on trompé d’aéroport ?  Sacré contraste avec une représentation souvent négative, gavée d’images alarmistes que délivrent nos média sur ce pays. A cette douceur s’allie la vitalité qui anime la jeunesse israélienne, comme le pays entier - jeune lui aussi du reste. Les tensions qu'engendrent les conflits israélo-palestinien et israélo-arabe sont peu visibles. On sent au contraire, mais peut-être n'est-ce pas sans rapport, comme un empressement de vivre, d’être heureux et ensemble.

    Après quelques temps à vivre et travailler,  un autre trait s’impose : la facilité du contact, la simplicité des rapports qui prévalent ici et prennent le pas sur la politesse  guindée et vieille-Europe qui régit (encore) la plupart des relations sur le continent : professionnelle, de voisinage, et même parfois dans la fonte d’une amitié.  A Tel Aviv, semble-t-il, tout le monde connaît tout le monde. Un  chauffeur de l’ambassade connaît le bras droit de Bibi. Le patron de « Babait » connaît le colonel en chef de Tsahal. Et tout ce petit microcosme discute, pêle-mêle, à la terrasse des cafés et des restaurants en bord de mer. Cette atmosphère de mixité, d’égalité,  de mise en parenthèse du statut social dans les rapports,  persiste en Israël. Elle est propre aux États en formation, aux peuples en marche, et préside les époques de grands changements, où tout paraît possible.  Dès lors, la liberté dans l’échange est très forte dans ce pays. La franchise et la spontanéité israéliennes  concourent à cette simplicité des contacts. Dans la rue, sur la plage ou au travail, des gens inconnus s’interpellent à coup de ילדים  «iéladim », les enfants,  ou de חברים « haverim », les amis. Le langage amoureux est lui aussi à la fête. Les présentations d’usage sont pour le moins brèves, et l’on se donne bien vite des affectueux « iakara », « hamout », motek  ou même du  נשמה שלי "nachema", mon âme. (Enfin, là, vous êtes un peu achsim sur les bords..) Dans les milieux professionnels et académiques, rencontrer de hauts responsables ou des professeurs émérites, et partager avec eux une discussion autour d’un café  est quelque chose de facile et d’accessible à tous.  Bien sûr, cette atmosphère s’amenuise à mesure qu’Israël  avance. La relation des israéliens au pouvoir et à leur  gouvernement, s’est considérablement occidentalisée  ces dernières décennies. Mais la ressentir aujourd’hui encore nous rappelle en quoi Israël reste un pays en devenir, et qu’en ce sens, nous devenons en quelque sorte les acteurs aussi petits soient-ils, d'une histoire.
            
      Une dernière marque de la société israélienne m’a étonné. Ce fut, à vrai dire, une surprise à retardement. Elle réside dans l’importance attachée au fait d’être juif, ou plus précisément, que le nouvel arrivant soit juif.  Quelle anomalie à cela, me diriez-vous, dans l’ État juif ?  Certes, mais après avoir découvert cette société laïque, ouverte et chaleureuse, cette soudaine gravité commune à l'ensemble de ses membres a de quoi vous désorienter. On ne parle même pas ici des populations religieuses et de leurs opinions discriminatoires qu'elles parviennent parfois à ériger en loi  (le mariage religieux obligatoire en est un exemple). C'est un élément plus subtile que l'on retrouve à chaque strate sociale et auquel on s'assimile bientôt. De l'incompréhension à s’entendre poser à toute occasion la question, on en vient bientôt à la poser soi-même aux gens étrangers que l'on rencontre: Are you Jewish? Bien sûr, aucune animosité en cas de réponse négative ne vous sera démontrée, mais plutôt, une légère différence de ton, peut-être inconsciente, qui relève cet état d’esprit commun à l’ensemble des (juifs) israéliens: un juif en Israël est un frère qui revient. Il est d’ailleurs surprenant de constater que les israéliens ont beaucoup de mal à saisir le conflit intérieur que peut connaître un membre de la diaspora entre le fait d’être juif et celui d’appartenir à une nation, autre que celle du peuple juif.  Pour eux, un juif vient de France, du Royaume Uni ou d’Allemagne, mais n’est pas français, anglais ou allemand. La question suivant à celle du Jewish or not Jewish est d’ailleurs souvent exprimée en hébreux : Meain ata ? (ou avec la faute de grammaire courante mieifo ata ?). Cela veut dire d’où tu es ?, et appelle une réponse du type : de France. Ou en d’autres mots, mon pays d’origine, mon pays de départ est la France. Si vous êtes juif, la réponse אני צרפתי, ani tsarfati, je suis français, est hors contexte. Et hors contexte également la question des plans futures en Israël si vous ne l'êtes pas.

vendredi 24 juin 2011

Prochaine flottille vers Gaza: parlons en maintenant !

Une autre flottille humanitaire est sur le point de prendre la mer en route pour Gaza. Malgré l’abstention turque, Free Gaza Movement a réitéré sa détermination.  Si l’annonce du gouvernement israélien ne change pas d’un iota de la position prise lors de l’été dernier, et utilise une propagande quelque peu vulgaire (les mots hatred flottilla semble vraiment hors de propos) ; la société israélienne est plus divisée sur la question. On en parle d’ailleurs davantage que dans l’hexagone: un article dans les principaux sites médiatiques israéliens sur le sujet recueille au bas mot une cinquantaine de commentaires et opinions, dont de nombreuses critiques à l’encontre du blocus économique, alors que l'unique article du Monde faisant état de la volonté israélienne d'intercepter la flotte n'a donné lieu qu'à trois pauvres remarques, béotiennes et antisémites. Alors certes, cela concerne Israël au premier chef, mais lors du drame de 2010, les Français se sont soudain passionnés pour l’affaire, en condamnant virulemment Israël. Un peu facile de s’intéresser à un sujet seulement après son dénouement sanglant. Ce post a donc pour principale but de lancer quelques pistes à une réflexion ex-ante quant à la légitimité et les objectifs des deux bords.

Dois-t-on considérer que les objectifs de l’expédition sont humanitaires ou politiques et médiatiques ? Ne nous y trompons pas : la flottille a pour but de dénoncer le blocus et d’attirer dessus le regard de la communauté internationale. Comme me l’a confié Gideon Levy (journaliste et pourfendeur de la politique israélienne à l’égard des palestiniens depuis de nombreux années), la portée humanitaire est symbolique. Pour autant, le but paraît légitime, pour ceux qui considère le blocus comme illégal et inacceptable. On s’explique alors pourquoi les activistes refusent de laisser contrôler leur cargaison par les IDF: ceci reviendrait à reconnaître un droit de regard, et donc de blocus, à Israël : précisément ce droit pris de force que les activistes cherchent à dénoncer. Une autre conséquence directe et - presque- paradoxale : les activistes  ont intérêt à se voir stopper par Israël, et si possible avec violence et affrontements, puisque c’est là le meilleur moyen de faire parler d’eux, et de rallier à leur cause gouvernements et citoyens du monde.

Pourquoi, peut-on se demander alors, Israël s’obstine à les arrêter ? Selon Gideon Levy, rien  ne le justifie. Israël n’a ni droit, ni intérêt à stopper une flottille, qui arrivée à Gaza, ne ferait plus parler d’elle. On peut cependant être sceptique devant un tel argument: une flottille passée serait une reconnaissance implicite par Israël de l’iniquité de son blocus et aurait peut-être pour conséquence une multiplication de tentatives de convois vers Gaza. Je ne discute pas ici de la légitimité ou de l’efficacité du blocus. La discussion est complexe et fera peut-être l’objet d’un prochain post. Loin d’être son défenseur, je pense cependant que restant aujourd’hui la politique d’Israël, la marge de manœuvre est réduite : une intervention a des conséquences négatives sur ce que pensent ses amis, une non-intervention aurait des conséquences dangereuses sur ce que pensent ses ennemis. Le "moins pire" est clairement la première option.

Ma conclusion est donc la suivante : 1. Cette expédition a un but médiatique et non humanitaire, qui du reste est nécessaire. 2. Israël n’a que peu d’option et se prêtera, à tord ou à raison, une nouvelle fois et pour le pire, à la provocation des activistes. Le désagrément causé par l’opprobre international pèse moins lourd dans la balance du gouvernement israélien que la peur de paraître aux yeux de son peuple et de ses ennemis, un pouvoir faible et malléable. 3. D’où ma question: pourquoi attendre d’éventuels nouveaux morts ou des blessés pour parler de Gaza, et dénoncer le blocus ? Les vrais amis d’Israël et des palestiniens, gouvernement, ONG ou société, ne devraient pas attendre un nouvel affrontement, et prendre les devant en France et ailleurs, pour exercer une véritable pression politique sur Israël et lui faire reconnaître l’inutilité et la cruauté du blocus économique, ce qui du même coup, rendrait obsolète une telle provocation. Oui mais voilà, il est à croire que seul le sang versé appelle à verser l’encre. Triste état des choses dans notre monde-spectacle gavé de violence.

vendredi 17 juin 2011

La Guerre du cottage aura bien lieu

Depuis le début du mois de juin, il souffle en Israël un vent de révolte à propos d'un sujet qui fâche aussi chez nous: le fromage! Ou plus précisément son prix. Un appel au boycott du cottage, fromage blanc grumeleux, étendard de la gastronomie israélienne a été lancé et regroupe déjà sur Facebook plus de 70.000 membres. Ce mécontentement fait suite à l'annonce au mois dernier d'une augmentation des prix des produits laitiers. De l'ordre de 5%, cette augmentation est surtout choquante car elle apparaît coordonnée entre les trois géants du secteurs Tnuma, Strauss et Tara. Profitant d'une situation d'oligopole, de l'absence de concurrence étrangère et de la libéralisation des prix opérée en 2006, ces compagnies n'ont cessé ces dernières années d'agrandir leur marge. Aujourd'hui les yaourts israéliens valent le double de ceux achetés en France, le fromage blanc est quant à lui près de deux fois et demi plus cher. C'est le cas de le dire: Tnuma, Strauss et Tara se font du beurre sur le dos du consommateur israélien. La grogne populaire est alors la conséquence d’un effet « ras le bol», la dernière augmentation étant en quelque sorte la goutte de lait qui fait déborder le vase. Certains vont d'ailleurs jusqu’à interpréter le boycott comme la manifestation israélienne du « nouveau printemps » qui touche les pays du Moyen- Orient.

Le boycott a déjà eu un certain impact dans la sphère politique. Si le gouvernement se refuse à discuter la restauration de prix-plafonds il a revanche annoncé que les contrôles encore existants ne seraient pour l’heure pas supprimés. Benjamin Netanyahu et le Ministre israélien des Finances, Yuval Steinitz, ont déclaré qu’ils étudieraient la possibilité d’une autorisation de l’importation de produits laitiers. Il s’agirait, selon Steinitz, de la plus sûre façon de faire baisser les prix des produits laitiers en Israël. La commission économique de la Knesset a prévu une discussion sur les prix alimentaires pour la semaine prochaine.

En réalité, la guerre du cottage soulève en Israël la délicate question de la protection du secteur agricole en général et des produits frais en particulier, dont les importations subissent des quotas et des taxes très contraignantes. Une des raisons, commune à d'autres pays, est la volonté politique de protéger ses producteurs et son agriculteur, au détriment du pouvoir d'achat de l'ensemble de la société. Mais il ne faut pas oublier qu'en Israël, la question d'autarcie alimentaire est également un enjeu de sécurité, si en cas de conflit ouvert, l'approvisionnement par les ports se faisait impossible.

Toujours est-il que ce matin, une promo spéciale était réalisé sur le cottage: deux pots pour le prix d'un. De quoi faire fléchir les boycotteurs ? Gageons que non.

dimanche 29 mai 2011

Les petits riens à Tel Aviv_1.

(en aparté)
יום המשפחה טוב, אמא. כאשר אני חושב ,את בראשי. כאשר אני קורא, את בעיני
כאשר אני אוהב,  את בלבי.  תמיד וחזק

On l'a déjà dit, Tel Aviv est une ville très occidentale. Elle s'apparente à bien des égards à une ville méditerranéenne de nos rivages. Pourtant, dans le paysage, certains petits riens ne trompent pas, et font de Tel Aviv, selon notre chance et notre humeur, une ville israélienne, une place cosmopolite ou encore, un lieu à part et sans pareil (comme le sont, chacune à leur manière, toutes les grandes villes). Je propose donc de vous égrener à l'occasion ces petits riens qui nous surprennent un temps avant de se fondre dans le décor. Aujourd'hui, incontournables et communs aux autres villes d'Israël, j'ai nommé les cheyrouts.

Tel Aviv et sa périphérie n'ont pas de métro, et par conséquent disposent d'un système de bus phénoménal, labyrinthique et pour finir incompréhensible. Mais la particularité de ce réseau tient au fait qu'il est doublé de transports communs privés, sorte de taxis collectifs, appelés les cheyrouts. Le prix de la course est en général légèrement inférieur au ticket de bus (6 au lieu de 6,4 shekels) et les cheyrout présentent l'incomparable avantage de fonctionner jusqu'à 2-3 heures du matin ainsi qu'à Shabbat ou durant les (nombreux) jours fériés. 

Alors que les bus ont la même morphologie que ceux que l'on rencontre dans l'hexagone (en un peu plus défoncés), les cheyrouts sont des minibus jaunes et le nombre de place y est limité à une dizaine de places. Il ne faut alors pas s'étonner de voir un cheyrout ne pas s'arrêter lors que vous lui faites signe du trottoir, de la manière israélienne et autoritaire qu'il convient. Si vous avez de la chance le bus s'arrêtera à votre hauteur, et le conducteur vous ouvrira la porte à l'aide d'une sorte de bras télescopique actionné de son siège. Ne vous attendez pas cependant à un sourire,- à moins que vous ne soyez une séduisante brune en mini short et brassière-, et dégainez rapidement vos six shekels. Durant le trajet, réfrénez votre envie de vous plonger dans un bouquin ou de vous laisser aller à votre musique, car les cheyrouts déboulent et ne marquerons pas l'arrêt que vous convoitez, si vous ne le signalez pas.

Mais malgré ces petits désagréments de routine, les cheyrouts sont sans conteste un moyen de transport économique et rapide. Leur existence est sûrement pour beaucoup dans la conservation de tarifs très acceptables pratiqués par les taxis "conventionnels", alors que Tel aviv connaît par ailleurs un indice de prix similaire voir supérieur à Paris. Une idée à prendre pour notre chère capitale ?





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samedi 28 mai 2011

Le torchon brûle à Lag Ba'omer!

Ce blog fait pâle figure face à la vraie Tel Aviv, la ville qui ne s'arrête jamais. Je tâche donc aujourd'hui de réparer mon manquement envers vous, fidèle (et précieux) lecteur.

Le week-end dernier a eu lieu Lag Ba'omer, 33 jours après Pessah, comme son nom l'indique. En effet, le Lamed a trente pour valeur numérique et le Gimel  trois. Deux lettres et deux chiffres donc, pour une fête qui se résume aussi en deux mots: feux de camps et pèlerinages. Des mots qui témoignent une nouvelle fois de la dichotomie entre les judaïsmes religieux et séculaire en Israël.

Les feux de camps (médoura, מדורה) s'organisent dans tous le pays. La tradition est si suivie, que la nuit des médourot préoccupe le gouvernement israélien. Outre les nombreux commencements d'incendies que la fête  engendre,  le ciel au petit jour est gris cendre et pourvu d'une concentration en gaz carbonique susceptible d'être nocive!  Rien que dans le grand parc de Tel Aviv une bonne centaine de médourot se repérait de visu. On y fait cuire  la viande et des pommes de terres par douzaine, on y chante les chants de la victoire de Lag Ba'omer, mais le principal reste de faire la fête. Comme plaisantait un jeune homme "All Jewish Holyday comes down to: They tried to kill us, we won, let's eat! ". Si on peut discuter la pertinence du raccourci historique, cette phrase dénote un état d'esprit typique du jeune israélien. Être juif, pour eux, ne revient pas à détenir au sein d'une communauté restreinte une masse de connaissances et de pratiques ordonnancées et obscures pour l'éventuel spectateur extérieur. Le savoir du garçon en question paraissaient en l'occurrence flou et plutôt limité. "Etait-ce les grecs ou les romains? La période? Alors là..."  Non, être juif, c'est partager une fête et la joie qui s'en échappe, et si le souvenir y a sa place, il reste vague et pour tout dire mythologique. En ce sens le judaïsme séculier apparaît être bien plus inclusif, que celui qu'on a en tête, le judaïsme religieux, dont la quasi-impossibilité d'accès est proverbiale.

Mais Lag Ba'omer, c'est aussi des pèlerinages religieux en masse vers les tombes des justes (qui sont ici les acteurs de la révolte juive commémorée à Lag Ba'omer), et dont la principale destination est le mont Méront. Le 33ème jour figure comme une date charnière dans le décompte du omer, et régit encore dans la vie des pratiquants maints principes et activités quotidiennes. Il est par exemple interdit de se marier ou de se raser entre Pessah et Lag Ba'omer, qui est alors un jour très prisé par les jeunes fiancés, pour ne rien dire de nos amis barbiers.

Pour la petite histoire, le hasard du calendrier a cette année compliqué les choses: Lag Ba'omer tombait un Shabbat! La controverse faisait rage entre les plus vénérables rabbins pour savoir de dimanche ou de samedi, quel jour consacrer à la fête.

dimanche 15 mai 2011

Nakba

Le Jour de la Nakba, " la catastrophe" en Arabe, est le jour de deuil palestinien en commémoration de la création de l'État d'Israël le 14 mai 1948. Ces trois jours ( de vendredi à dimanche) sont l'occasion pour les palestiniens de manifester de manière pacifique et de faire entendre leur revendication au droit à un État,  l'État de Palestine, ainsi qu'au "droit de retour", établie par la résolution 194 de l'ONU. Ils interviennent chaque année, par la malice des calendriers, quelques jours après la fête d'Indépendance, et viennent rappeler le prix de cette dernière.

Êtes-vous, comme moi au départ, mal à l'aise devant cette similarité des termes: Nakba, Shoah, droit de retour arabe et alyah? Certains pourront y voir le choix pernicieux fait d'un côté ou d'un autre. Ils tergiverseront sur des comparaisons vaines et difficiles: du degré d'horreur entre un génocide et l'échec dans la lutte pour un État, des différences d'afflictions entre un sans-terre palestinien ou un membre de la Diaspora. Je préfère pour ma part passer outre le commentaire dangereux de ces choix sémantiques, et me convaincre que la similitude des mots reflète plutôt la proximité des Histoires israélienne et palestinienne. Deux peuples meurtris, qui se meurtrissent encore et encore, à n'en plus finir. 

Israël craint des débordements particulièrement violents cette année. Trois éléments sont  susceptibles de faire dégénérer les tensions: le printemps arabe et l'appel à une nouvelle Intifada, le récent rapprochement du Fatah et du Hamas, et enfin l'approche du processus de création d'un État palestinien à l'ONU en Septembre. Tout ceci a conduit l'IDF, les forces spéciales israéliennes à redoubler d'efforts, d'hommes et de moyens dans l'encadrement des évènements. Si, au demeurant, la PA contrôle en Cisjordanie les membres du Hamas et empêche une confrontation directe entre eux et les IDF, la sécurité a un prix:  les morts de Milad  Ayache de Jérusalem-Est et de plusieurs autres palestiniens à la frontière libanaise, la mort d'un israélien lors d'un accident aux allures terroristes à Tel Aviv.

Mais ce qui décourage le plus en ces jours, c'est l'absence de réaction dans l'opinion juive. Certes on dénote la présence de quelques membres de la gauche israélienne dans les cortèges de Bi'in et Na'alin, mais tout cela est bien maigre. Si Israël était le grand État qu'il prétend être, ce jour devrait être l'occasion de reconnaître ses tords envers le peuple palestinien.  Voilà peut-être le plus grand défi qu'attend Israël: apprendre toute l'Histoire de 48 et  67 et non pas la seule partie douloureuse et triomphante ; enseigner aux jeunes générations tout ce que contient le mot Nakba.

mardi 10 mai 2011

Yom Zikaron et Yom Ha'atzmaout. Soyez tristes, soyez heureux

 Yom Zikaron et Yom Ha'atzmaout sont deux jours qui se suivent dans le calendrier juif. Yom Zikaron, le jour de la mémoire, commémore les soldats tombés pour Israël, et Yom Ha'atzmaout fête l'indépendance de l'État Juif. Cette disposition du calendrier en dit long sur l'état d'esprit israélien : l'alliance du pragmatisme à la culture du souvenir. "On va de l'avant, mais on n'oublie pas, c'est ça Israël" me disait un ami, qui a fait son Alyah il y a deux ans. Cette association peut surprendre. Pourrait-t-on imaginer en France, la fête du 14 juillet succéder au jour des morts ? La comparaison n'est évidemment pas appropriée, pour la bonne raison que Yom Zikaron ne connaît pas d'équivalent en France ou en Europe. Israël est un pays en conflit ouvert et ces deux jours, foisonnants de drapeaux et de symboles, en portent nécessairement la marque. Cette volonté de lier le jour du deuil national à la fête la plus démonstrative, la plus exubérante et la plus nationaliste de l'année affiche clairement la pensée israélienne. Ces soldats morts sont autant de dons, de sacrifices consacrés pour qu'Israël soit encore et toujours un bouillonnement de vie.

Consacrée, la cérémonie de Yom Zikaron l'est à un degré élevé. Le pathos peut surprendre et même choquer les yeux d'un étranger. Cela frise, se dit-t-on, la propagande. Pendant près de trois heures, de longs reportages vidéos  parlent des derniers soldats tombés, entrecoupés de chansons patriotiques reprises par la foule dans un murmure. Photos ou films de l'enfance , de la courte jeunesse de ces soldats s'étalent sur des écrans géants, accompagnés des interviews de proches éplorés de chagrin . J'avoue m'être demandé presque de façon clinique, le nombre de morts palestiniens, ou de tués sur les routes israéliennes (des rapports respectifs de 5 pour 1et 2 pour 1). On peut soutenir que cette cérémonie n'a pour horizon que l'adhérence nationale aux intérêts d'État et pour conséquence néfaste d'attiser la défiance et le ressenti. Mais c'est faire là preuve d'autisme au regard de la réalité israélienne. Avant de sonder les calculs tactiques, faut-il encore comprendre les obligations dictées par les besoins d'un peuple. Yom Zikaron est nécessaire au-delà de toute considérations politiques, car il est l'expiation rituelle de la souffrance israélienne.  En en définitif, plus que l'emphase du moment, ce qui nous frappe et nous emporte, c'est l'émotion réelle qui s'en libère. Elle s'exprime par  des regards graves et des larmes silencieuses, communes aux jeunes et aux vieux, aux laïcs et aux pratiquants, aux ashkénazes et aux séfarades. Que l'on me comprenne, je ne fais pas l'apologie de Yom Zikaron. J'aimerais retranscrire ici la compréhension soudaine, que j'ai eu cette nuit, de ma condition totalement extérieure à la question israélo-palestinienne. Ma pensée n'est que raison, jugement et elle n'avait pas sa place en ce jour-là, où, à mes yeux, des inconnus pleuraient des inconnus. Mais pour eux, c'était Israël qui pleurait ses enfants. S'évertuer à penser le conflit est un choix, sûrement sensé et fécond; mais il ne faut pas oublier que ce choix n'est pas toujours donné à ceux qui vivent le conflit.

    Pour la petite anecdote de l'édition 2011, une interruption technique s'est produite en début de la cérémonie, le temps du premier reportage où le son sans les images nous est parvenu. C'est alors qu'après la Tikva, qui clôture traditionnellement le service, le présentateur reprend son micro et prononce quelques mots. Sur les écrans s'affichent les images d'une femme, et sa voix tremblante s'élève pour la seconde fois sur Kikar Rabin. Et chacun reste à sa place pendant les sept longues minutes de reportage ; une belle leçon du respect israélien en de pareilles occasions.

    La transition de Yom Zikaron avec Yom Ha'atzmaout est brutale, tranchante. La fête d'indépendance s'apparente à un défouloir dont l'échelle est celle d'un pays, et la durée celle d'une nuit. La veille est l'une des deux nuits de l'année, où le tapage nocturne, établi en sport régional à Tel Aviv, est admis et ne fait pas l'objet d'interventions de policiers malcommodes. Les gens descendent les amplis, les guitares, ou n'importe quoi d'autres qui puissent s'entendre à la ronde, et dansent et boivent toute la nuit au son techno, pop ou afro. Si vous croiser des kippot et papillotes en transe sur de la pulse music, rien de plus normal ; ce sont les "rabbis techno" un mouvement  en vogue du corps religieux qui vise à démontrer qu'être haredim ne signifie pas forcément refuser toute modernité (encore que ceci est autre histoire...)

lundi 2 mai 2011

N'oubliez pas


    Aujourd'hui, on a fêté en Israël Yom Ha Shoah, le jour de l'Holocauste. Comme toute fête juive, l'évènement commence la veille au soir; les magasins, commerces, bars et restaurants fermant dès sept heures. Il s'organise dans les grandes villes du pays diverses conférences, la "nationale" ayant lieu à Yad Vashem. Les anciens des camps y sont présents, et racontent, pour ceux qui le veulent, leur histoire. On prononce quelques discours,  on entonne des chants tristes.  Yom Ha Shoah n'est quant à lui pas férié, mais à dix heures du matin retentit partout en Israël une sirène. Alors, la vie s'arrête. Dans les rues, sur le pallier des maisons, sur les lieux de travail, et même sur les autoroutes, chacun est debout, à côté de son bureau ou de sa voiture et écoute les hauts parleurs hurler cette note sourde et continue. Le temps d'une minute, une nation toute entière s'associe dans le silence et réalise d'un même bloc un devoir de mémoire, qui perdure grâce à chacun d'entre nous.

samedi 30 avril 2011

Fatah-Hamas: Comment comprendre la réaction israélienne?

(il est rappelé que ce blog relève de l'opinion personnelle)
La réaction  rapide et violente de "Bibi" (surnom donné à Binjamin Netanyahu par la presse israélienne) à l'annonce de la réconciliation prochaine du Hamas et du Fatah, a pris la forme d'un ultimatum cornélien posé à Mahmoud Abbas: " La paix avec Israël ou avec le Hamas." Il faut dire qu'il existe un fossé dans la considération du Hamas qu'ont les opinions israéliennes et européennes. La droite Israélienne, Liberman en tête (leader d'Israel Beytenou et actuel ministre des AE) ne cesse de répéter que le Hamas est une organisation terroriste infréquentable qui poursuit pour but la destruction d'Israël -objectif annoncé dans sa chartre-, alors qu' Ashton vient de louer cette union palestinienne que l'UE appelait depuis longtemps. Si l'Europe réprouve sévèrement l'utilisation du terrorisme par le Hamas contre Israël, elle ne le considère pas moins comme un parti incontournable dans le champs politique palestinien.
 

La première constatation est l'ambiguïté des rapports de forces entre Fatah et Hamas que sous-tend cet accord. Les intérêts qui commandent ce rapprochement, sont distincts pour les deux entités. Le Hamas est affaibli par le déséquilibre que connaît la Syrie, alors qu'en Égypte, le nouveau régime non-islamiste, bien qu'en bonne relation avec les frères musulmans, ne compense pas la perte de cet allié. Il redoute alors un possible enclavement dans la bande de Gaza. L'Autorité Palestinienne, quant à elle, cherche à pallier par cet accord son déficit de légitimité (le Hamas est soutenu par 15% de la population palestinienne), obéit à la volonté du peuple palestinien et démontre ses velléités à prendre les devants dans la formation d'un État, organisée à l'ONU en septembre prochain. A la lumière de ce constat il n'est pas évident de juger des conséquences éventuelles de la réconciliation Fatah-Hamas. Si l'on peut craindre la prise de pouvoir du Hamas dans la région de Cisjordanie, l'unité palestinienne peut être une occasion de reprendre l'initiative. "Ce qui importe est la paix, et non avec qui elle est faite" reconnaît d'ailleurs un penseur affilié à la droite israélienne. La nécessité d'un État palestinien est incontestable. Nombreuses sont les personnalités israéliennes des sphères politique et intellectuelle qui l'ont comprise et qui appelle à la création d'un État aux frontières de 67.

En ce sens, la réaction de Netanyahu est inquiétante car elle augure une politique vaine par avance: celle de contrecarrer les revendications palestiniennes sur la scène internationale en discréditant le gouvernement mixte qui les défendrait. Ce petit jeu mènerait tout droit à l'impasse. Car si Israël ne peut guère aujourd'hui enrayer la création de l'État Palestinien, son refus de participer à son processus renverrait dos à dos Palestiniens et Israéliens dans une situation similaire à celle de 48 après le partage du territoire.

Il reste tout de même un sujet inquiétant abordé par l'accord du Caire: la clause en matière d'activités sécuritaires jointes entre Hamas et Fatah. Son application nuirait gravement à la coordination sécuritaire entre l'AP et des FDI ( Forces de Défenses Israéliennes) qui a largement progressé ces dernières années en Cisjordanie, en dépit de la stagnation politique du processus de paix. Et si cette confiance se dégrade, il devient alors impossible pour l'opinion israélienne d'entériner la création d'un État palestinien.

Au final chacun connaît le tribut à payer en vue de la paix future : la fin des colonies pour Israël et la reconnaissance définitive d'Israël de la part des Palestiniens (Gageons qu'un mouvement massif du peuple aurait raison du refus obstiné du Hamas de toute négociation et reconnaissance). Mais une question reste, plus préoccupante encore: veut-on vraiment la paix?

lundi 25 avril 2011

Fragment de la Vieille Jérusalem

Penser à Jérusalem, c'est une kyrielle de mots que l'on invoque: Jésus, croisades, Palestiniens, David, Saint-sépulcre, Mahomet, Mur des lamentations, mais aussi conflit ou nouveau mur de la honte. Jérusalem est un mot-réceptacle où l'on dépose une foule de nos représentations ; elle est pour chacun une ville-symbole de nos convictions religieuses, politiques, mystiques ou humanistes. Oui mais voilà, si Jérusalem trouve existence d'une façon différente et unique en chacun de nous, elle existe aussi physiquement. Et la rencontre de ces deux Jérusalem, la première organique et respirant avec la seconde intime et aspirée, n'est pas toujours facile, car sujet à bien des décalages. Une amie m'a confié récemment son envie de pouvoir redécouvrir Jérusalem pour la première fois. Tout est là. C'est cette rencontre originelle et le choc de nos visions qui en résulte qui fait de Jérusalem une ville si précieuse, l'objet d'un pèlerinage religieux ou séculier pour le voyageur moderne. Avant de venir à Jérusalem, il est important de s'interroger sur ce qu'elle signifie pour nous, de mesurer nos attentes et nos espérances pour apprécier à une juste valeur les découvertes qu'elle nous réserve.

La vieille Jérusalem est un bouillonnement de vie. Dans les petites rues pavées défilent des processions religieuses colorées et retentissantes, venant de tout pays: ukrainiennes, camerounaises, arméniennes. (Il faut dire que nous sommes en pleine semaine de Pâques). Dans les cardos -les deux axes principaux de la vielle ville-, les touristes, popes, haredims, nonnes, marchands et habitants s'agglutinent les uns aux autres et marchent au pas. Au cœur des quartiers arabes- chrétien et musulman-, le dédale de rues s'apparentent à un souk géant. De tous côtés, on baragouine quelques mauvais mots d'anglais, en invitant le flâneur à regarder l'étalage de boutiques étriquées aux contenus stéréotypés. La Ville trois fois sainte n'échappe pas au règne du pognon, à l'image de ces enfants arabes criant "wonedolarrwonedolarr"avec dans les mains des petits coffrets d'huile sainte représentant Jésus sur la croix. Ici, la vie ne s'arrête pas et étouffe les vivants.

Il est ainsi impossible de ne pas se perdre à Jérusalem. La majorité des ruelles n'ont pas de nom, car faisant l'objet de polémique sans fin entre arabes et juifs, et l'on tourne interminablement dans ce géant escargot de pierre. On y oublie la notion de l'espace et du temps, enivré par les senteurs des épices et hypnotisé par le spectacle permanent. Mais la confusion des sens qui s'opère à Jérusalem, noyé dans la masse du Western Wall ou du Saint Sépulcre est peut-être un chemin nécessaire avant de se tourner vers ses indécisions intérieures.

La ville a beau être cosmopolite dans son ensemble, chaque quartier, chaque district est tenu et organisé par une communauté précise. Certes on peut croiser quelques juifs dans le quartier mahométan, ou quelques musulmans dans les rues arméniennes mais ils ne sont là qu'au titre de passants. Cette ségrégation spatiale est accentuée par l'omniprésence de la police et de l'armée que l'on rencontre toutes les trois ruelles. La circulation de la vielle ville fait l'objet d'une police changeante et incompréhensible; les uniformes avec l'aide de lourdes barrières faisant et défaisant le sens de circulation. A ces barrières, chacun se doit de justifier en quelques mots maladroits le pourquoi de son passage. Même aux heures calmes et ensoleillées, une armada de jeunes militaires, FM à l'épaule, se prélasse au pied des muraille et jette son ombre inquiétante sur les contours de la vielle-ville. Jérusalem, au mépris de son nom, ne connaît pas la quiétude. Dans ses rues fourmillantes, les mots qui reviennent aux oreilles sont pourtant Shalom et Salamalekoum, qui en en arabe comme en hébreux signifient la paix. Peut-on alors espérer qu'un jour, les hommes qui se font la guerre, se promettront une harmonie prochaine en se disant bonjour ?





lundi 18 avril 2011

Un Séder à Jérusalem. H'ag Sameah! חג שמח


Aujourd'hui c'est Pessa'h. Les magasins ferment dès midi, et l'on se souhaite à tous coins de rue de sempiternels H'ag Sameah : Bonnes fêtes! Dans les foyers, les maîtresses de maison préparent déjà le repas de la paque juive, afin de pouvoir faire le séder en famille le soir.

Je vous épargnerai ici une révision exaustive de la Haggadah ou des explications détaillées sur les divers symboles du Seder et vous propose plutôt une petite réflexion de ce qu'est Pessa'h aujourd'hui.

Pessa'h en Israël, c'est un peu Noël en France, le sapin en moins et le "maror" - les herbes amères- en plus. (Bien qu'on associe habituellement Noël à Hanouka à cause de la période). En tout cas, cela débute de la même manière: par des embouteillages monstres. Pessa'h se fête en famille, et on dirait que la moitié des actifs de Tel Aviv se rendent à Jérusalem chez leurs proches! On a sur la plage arrière, non pas foie gras ou bûche glacée, mais matzot et le plat traditionnel de fêve. 

Comme Noël, cette fête accorde une place privilégiée aux enfants. Durant le Seder, c'est un joyeux bordel. Chacun y va de sa petite voix pour lire un passage de la "Traversée", et on se lâche au moment des dix plaies, dont les noms sont époumonés gaiement par l'assemblée. Le Afikomon (le dessert) est rituellement confisqué par l'enfant qui le rend en échange de cadeaux. On discute alors, en dégustant gateaux et fruits tout en écoutant les chants traditionnels.

Résumons-nous: Pessa'h, c'est de gros embouteillages, une fête en famille, un conte issue de la mythologie religieuse, un bon repas, des chants affiliés au sujet, et l'occasion de plus en plus souvent saisie de s'offrir des cadeaux. Autrement dit Pessa'h c'est la version israélienne (encore sobre) de notre Noël sécularisé et ultra-commercial.

Tollé général ! Pessa'h séculaire, alors qu'on s'y remémore un épisode fondamental de l'Histoire des Juifs ?!   Mais justement. Dans un État religieux, placé sous "la bonne étoile" de David, n'est-il pas déjà remarquable que cette fête et son organisation ont été remises au crédit de la famille? Point de grande commémoration à la syna, comme à Kippour, ou de discours incontournable d'une quelconque autorité rabbinique: c'est dans l'espace confiné du foyer que se fête entièrement Pessa'h. Et c'est déjà énorme. On quitte là le domaine de la religion, de ce racolage actif de l'identité commune, pour entrer dans celui, bien plus nuancé, de la tradition. Pour les apprenti-visionnaires (je ne dis pas les apprenti-prophètes), on peut d'ailleurs penser qu'Israël perdra dans les années à venir de sa vigueur religieuse, de sa nécessité actuelle de religion, et qu'avec ce phénomène se poursuivra la sécularisation des grandes fêtes du calendrier juif.

samedi 9 avril 2011

Tel Aviv, ville promise


    Tel Aviv a l'esprit méditerranéen. On ne s'y sens pas vraiment dépaysé. On y retrouve un peu de Marseille, de Montpellier ou de Nice. Tout nous y indique de lâcher prise. De nous laisser aller à la brise et au son des vagues. La "Bulle" porte bien son nom. Les gens ont l'air d'être en vacances en pleine semaine. Sur la plage  les tac-tac se font échos, et sur les vagues, les sky-surfers s'en donnent déjà à cœur joie.  De toute évidence, la tension ici n'existe pas. "Akol Béséder", comme disent les israéliens. Tout va bien. Et cela en est presque étrange. Étrange cette plage où de jeunes corps se prélassent et que juxtapose une pierre commémorative et ses 21 noms gravés de jeunes femmes et hommes russes assassinés là, cinq ans plus tôt. Étranges les parcs où les familles arabes préparent au soleil couchant des barbecues géants, auprès d'un monument à la victoire juive. Étranges les troupeaux de jeunes filles de 20 ans à peine, en kaki, bottes et Rebbane, que l'on croise dans le bus ou devant le marchand de glace.

    Tel Aviv c'est une preuve vivante sans cesse renouvelée, que juifs et arabes peuvent parfaitement vivre ensemble. Sur ce terrain-là, une motion spéciale revient à Yaffo. La vieille ville est aujourd'hui le quartier véritablement mixe de Tel Aviv. Juifs et arabes vivent là côte à côte, jusqu'à partager un même patio. Les bus n'y fonctionnent pas lors de Sabbat, et le muezzin y chante cinq fois par jour.

    Tel Aviv surprend enfin. C'est une ville en mouvement, en construction. D'une rue à l'autre, c'est un monde occidental qu'on quitte, un monde oriental qu'on découvre. Une ville, dont chaque quartier est un petit monde aux senteurs, aux couleurs particulières, détachés les uns des autres. Quand on se promène dans certaines rues de Yaffo faites de terre et de gravier, le longs de maisons de l'époque mandatoire, de tas de gravats et de ruines, on a du mal à croire que deux kilomètres plus loin, cette rue débouche sur le Tel Aviv Center, avec ses tours et ses sièges d'entreprises nanotechnologiques, leaders mondiaux de leur secteur. Et puis il y a ces petites choses qui sont les premiers charmes d'une ville que l'on commence à peine à arpenter. Le marché Carmel et ses fraises vendues au kilo dans d'énormes barquettes en plastique, la communauté russe omniprésente, les loueurs de téfilines qui exhortent à la prière le vendredi soir aux alentours d'Allenbi, la librairie internationale et délabrée du 87 de la rue...

                              Tel Aviv regorge de promesses.

Motivations

Voilà une petite semaine, que je suis à Tel Aviv où je vais vivre ces cinq prochains mois. Venu ici avec l'envie de découvrir en profondeur Israël, sa société, ses particularités et ses clivages, j'entame ce blog en support à mon petit projet. Une occasion de donner des nouvelles et de partager mes impressions en toute simplicité.  Ces quelques mots écrits, je ne m'attarde pas plus longtemps sur le pourquoi de ce blog. Bonne lecture et Bienvenu en Israël!